Fortes et modernes, des femmes ont marqué leur époque et nourri l'imaginaire de Jean-Paul Gaultier. Parmi elles, Arletty, Juliette Greco, Maria Callas, Brigitte Bardot, Romy Schneider, Barbara· Toutes avaient un style, une attitude reconnaissable, un esprit de vêtement, de la force de caractère et du talent. Toutes ont montré leur indépendance par rapport aux conformismes en tous genres et aux idées reçues. Toutes avaient donc du style et avaient su dessiner leur silhouette. Fidèle à ces femmes comme à tant d'autres, et sans nostalgie, Jean-Paul Gaultier trace les lignes de leur garde-robe aujourd'hui.

Une volonté couture affichée, dans l'esprit et le métier, une envie toujours présente de retravailler les mêmes pièces de la garde-robe (le trench-coat, le smoking, le bombers, le kilt), et un souci toujours plus vif de renouer avec l'élégance, voici pour les intentions.

Cette collection peut être abordée par paliers car Jean-Paul Gaultier ménage des surprises et prépare ses effets.

Première impression: l'abondance de fourrures, de plumes, de pierres et de perles. La fourrure savamment travaillée, dégradée et rasée, parfois lustrée: le putois, les renards, argenté, roux, blue frost, le vison, la zibeline, la marmotte. Avec elles, chaleur, douceur, effets magnifiques, jeux de couleurs et sentiment de luxe. Détournée, elle joue la rayure tennis, les trompe l'oeil, et devient fourreau, tailleur pantalon, envers d'un jogging de velours· Les plumes comme toujours chez Jean-Paul Gaultier donnent envie à la silhouette de s'envoler; de s'allonger· Ici, des manches oiseaux de paradis d'un fourreau de velours, les ganses en plumes de héron d'un cardigan, le pull péruvien jacquard tout en plumes, les plumes de coq qui bordent un manteau· Enfin, perles, pierres et paillettes se jouent des convenances: un pull irlandais tout de perles tricoté, un blouson patch de sacs de bals anciens démontés et remontés sur fourrure, un blouson tout brodé de tubes de marcassite, un débardeur rayé de laine et pierres de Bohême· Luxe certes, mais aussi jeux de brillances plus ou moins franches, et l'envie d'un univers précieux, rare.

Seconde impression: une silhouette longue, toujours en mouvement. Et cela, du fait de la longueur à la cheville (ou plus encore!) et d'un travail sur le plissé qui donne beaucoup de souplesse à la silhouette. Crêpe, tweed, velours, mousseline, toutes les matières sont plissées soleil ou plissé orgues et enveloppent le corps dans des capes, blousons bulles, kilts sirène, blouses. Longueur également procurée par le cou toujours habillé d'un col roulé ou d'un collier, obligeant à beaucoup de tenue. Longueur enfin sur hauts talons·

Troisième impression: les formes empruntées au sport, à la rue, toutes au quotidien vécues par chacune d'entre nous et toujours interprétées dans son vocabulaire de vêtements par Jean-Paul Gaultier, envahissent la couture. Le trench-coat, long pour le soir, dont on retire le bavolet pour qu'il devienne long fourreau à traîne; à moins d'opter pour cet autre qui, attaché à la taille au dos, s'enlève pour jouer les traînes volumineuses sur corset. Le blouson, plutôt bulle, à moins de choisir le bombers pour un volume intéressant ou le perfecto pour sa façon si particulière de structurer le buste. Ou encore le kilt, dont les plis plaqués sur hanches et cuisses font la silhouette fuselée· Enfin, le smoking s'amuse d'un manteau et s'accommode le soir de vêtements du quotidien. Et le jogging en velours opéra n'hésite pas à être réversible avec de la zibeline·

Si le blanc, le noir et le gris fondent la base de cette collection, Jean-Paul Gaultier les éclaire de tous les roux, feu, rouge opéra jusqu'au cassis. Majesté des harmonies comme des proportions qui savent jouer du strict, du classique et de la fantaisie pour un sentiment de grandeur, sentiment encore accentué par le travail sur les doublures de fourrures et de lamés.

Et si on parle communément de femmes de lettre, femmes d'esprit·. il s'agit seulement ici de femmes qui ont du style et veulent qu'un vêtement de couture serve celui-ci·