L'auteur (Perrenoud) souligne un peu plus loin que:
½La professionnalisation passe par une élévation du niveau de qualification: la construction de stratégies exige davantage de compétences que la mise en oeuvre de règles. Ce qui brouille les cartes, dans l'enseignement, c'est la double qualification, académique et pédagogique. Plus on va vers les degrés élevés du cursus, plus la maîtrise des savoirs à enseigner exige un niveau élevé de formation académique. La stratification qui s'ensuit au niveau du corps enseignant ne correspond pas pour autant à des degrés inégaux de professionnalisation. La "liberté académique" que se reconnaissent les enseignants secondaires n'est pas un gage de professionnalisation avancée: leur statut universitaire et leur maîtrise du savoir savant leur donnent une forme paradoxale d'autonomie, en avance sur leur qualification réelle... Le "splendide isolement" qui s'ensuit, n'est ni un signe, ni un moteur de la professionnalisation.╗ [Perrenoud, P.]
Il importe encore de souligner que, selon Perrenoud, la professionnalisation:
met l'accent sur le contrôle et la supervision par des pairs, de même formation, voire de même statut, par opposition au contrôle par des supérieurs hiérarchiques étrangers à la profession;
suppose une capacité collective d'auto-organisation de la formation continue, sa prise en charge par la corporation;
va de pair avec davantage d'autonomie, mais aussi de responsabilités et de risques assumés personnellement, donc une éthique;
exige une capacité de reconstruire et de négocier une division du travail souple avec d'autres professionnels, donc de savoir travailler en équipe ou en concertation;
passe par la mise à jour constante des savoirs et des compétences, sur la base d'une autoévaluation et grâce à des capacités d'apprendre, de se remettre en question, d'accumuler de l'expérience, de théoriser sa pratique;
donne les moyens d'une certaine distance au rôle, d'un rapport stratégique à l'organisation;
construit une identité professionnelle claire, alimentée par une culture intellectuelle commune (au-delà de l'esprit de corps et du partage de trucs et d'attitudes). [Perrenoud, P.]
Est-ce que l'enseignement est en voie de professionnalisation? Les points de vue sont nombreux sur cette question et les avis sont très partagés. Lessard et Tardif, dans un ouvrage clé pour en comprendre l'état d'évolution au Québec, plaident pour une analyse sociohistorique du phénomène et ils en arrivent à dire que:
S'il est vrai que l'histoire du corps enseignant débute bien avant le début des années soixante, y compris pour certains phénomènes encore et toujours actuels, sinon même porteurs d'avenir, il n'en reste pas moins que les années 1960-90 marquent un véritable tournant, car elles voient l'établissement d'un corps enseignant laïque, formé dans les universités, aux sciences de l'éducation et à l'idéologie de l'éducation nouvelle, doté d'organisations de défense de ses droits et de ses privilèges, ayant une éthique du métier ou de la profession plutôt qu'une éthique de la vocation ou du sacerdoce, et fortement engagé, du moins pour certaines de ses minorités agissantes, dans le projet d'une modernisation de l'école et de l'enseignement.