Après des années d'immobilisme et de conservatisme, un vent de changement balaie la province de Québec. En 1960, avec l'entrée au pouvoir des libéraux, des réformes sont entreprises dans la majorité des secteurs du gouvernement. Le but à long terme est la modernisation de tout l'appareil de l'État. Paul Gérin-Lajoie, alors ministre de la Jeunesse, fait adopter par l'Assemblée législative une série de lois qu'il nomme Charte de l'éducation. La réforme passe également par la création d'un ministère de l'Éducation.
Voir:
La réforme Parent;
La Loi sur le ministère de l'Éducation;
La Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation.
Pour y arriver, le gouvernement doit négocier avec l'Assemblée des Évêques qui détient jusque-là les pouvoirs ½réels╗ en éducation. C'est ainsi que, bien avant de présenter les textes successifs du projet initial et du projet amendé à l'Assemblée législative, le premier ministre les soumet à l'archevêque de Québec, M
gr Roy, président de l'Assemblée épiscopale. Le gouvernement semblait ainsi demander la permission de procéder à une autorité jugée supérieure ou du moins concurrente, mais dans le contexte de l'époque, il apparaît difficile qu'il ait pu agir autrement
[Palard].
Cependant, les temps changent. L'Église vient d'assister à la déconfessionnalisation du mouvement coopératif et du syndicalisme catholique. Ils sont préparés à envisager également la diminution du pouvoir religieux dans le domaine de l'éducation et à voir le système passer d'une dominante axée sur les institutions privées à un système public plus démocratique et accessible à tous les Québécois, peu importe leurs origines sociales et la région où ils habitent.
Avec l'accord de la hiérarchie catholique et après que celle-ci ait obtenu l'assurance que ses intérêts primordiaux seraient pris en compte dans les changements à venir, c'est-à-dire avec de solides garanties quant à l'éducation chrétienne des Québécois, le gouvernement crée, en 1964, le
ministère de l'Éducation ½Il est légitime que, dans un projet de loi qui tend à coordonner les divers éléments d'un système de l'éducation, l'État prévoit des structures qui lui permettront d'assumer pleinement ses responsabilités╗, déclare officiellement l'Assemblée des Évêques le 29 août 1963
[Palard].
Le gouvernement crée alors le
Conseil supérieur de l'éducation (CSÉ) , un organisme gouvernemental autonome, dont le principal mandat est d'émettre un rapport annuel étoffé sur l'état et les besoins de l'éducation qui doit être présenté au ministre puis acheminé à l'Assemblée nationale. Le rôle primordial du CSÉ se matérialise également à travers les deux comités confessionnels déjà existants, sous la juridiction de qui est confiée l'éducation morale et religieuse des jeunes.
L'article 11 de la Loi sur l'instruction publique stipule d'ailleurs que les pouvoirs du ministre de l'Éducation sont subordonnés à la Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation qui confère aux comités catholique et protestant des pouvoirs assez étendus tels que:
- la reconnaissance et le retrait de la reconnaissance, comme catholiques ou protestantes, des institutions d'enseignement;
- les règlements touchant l'éducation chrétienne, l'enseignement religieux et moral et les services religieux;
- l'approbation, au point de vue religieux et moral, des programmes et du matériel didactique.
Les pouvoirs du ministre de l'Éducation sont ainsi délégués, principalement aux deux comités confessionnels, lorsqu'ils portent sur la dimension religieuse et confessionnelle de l'école publique.
Au moment où ces changements sont négociés, ils font l'objet d'un vaste débat social impliquant non seulement l'Épiscopat mais également plusieurs autres acteurs tels que les associations séculières, les centrales syndicales, les étudiants, les parents, les enseignants, certains mouvements laïques, les partis politiques, la Société St-Jean-Baptiste, etc. Ce débat social est d'ailleurs tout aussi actif dans les années 1970, puis 1980 et, encore, pendant la décennie 1990. Nous verrons le contenu des principaux points de vue sur cette question à la section suivante.
Voyons d'abord ici le résultat du débat des années 1960, dont les principales caractéristiques concernant la confessionnalité sont les suivantes:
- le ministère a des pouvoirs complets, mais il est tenu de consulter le Conseil supérieur de l'éducation, entre autres choses, sur tout ce qui concerne les pouvoirs des comités confessionnels;
- le ministère compte obligatoirement un sous-ministre de foi protestante et un sous-ministre de foi catholique;
- le Conseil a des pouvoirs consultatifs, mais ses deux comités confessionnels ont des pouvoirs réglementaires;
- les évêques ne siègent pas au sein du Conseil, mais ils sont obligatoirement consultés pour la nomination des 16 membres catholiques sur les 24 que compte le Conseil;
- il en est de même des autorités protestantes pour les 4 membres protestants que doit aussi comprendre le Conseil;
- un seul membre du Conseil doit être ni de foi catholique, ni de foi protestante;
- le président et le vice-président du Conseil doivent être, l'un, de foi catholique et, l'autre, de foi protestante;
- le tiers des membres du Comité catholique est constitué de représentants des autorités religieuses et sont directement nommés par l'Assemblée des évêques catholiques du Québec;
- les membres du Comité protestant sont tous nommés par le gouvernement;
- il n'y a pas de comité autre que catholique et protestant.
On constate que le système scolaire au Québec demeure encore fortement influencé par l'aspect de la confessionnalité dans l'éducation et que cette confessionnalité doit correspondre aux deux religions dominantes, catholique et protestante. Surtout catholique, en fait, puisque l'observateur actuel reste songeur devant l'ampleur du pouvoir, soit de consultation, de nomination ou de décision que possède encore le clergé dans le domaine de l'éducation au Québec, et ce, même après la création d'un ministère de l'Éducation, même après les recommandations émises par le rapport Parent et même après le vaste débat de société entrepris dès le milieu des années 1950.