L'évolution historique de l'enseignement privé au Québec

Sous les Régimes français et anglais
Le Régime français s'étend de la naissance du pays jusqu'en 1760 ( voir le Module 2, L'organisation scolaire sous le Régime français (1608-1760)

Au cours de cette période, l'enseignement est, tout comme en France d'ailleurs, ½exclusivement privé et totalement sous la responsabilité de l'Église. L'État limite alors son intervention à quelques règlements mineurs et, à l'occasion, à une aide financière accordée, en règle générale, sous forme de dons de terrains╗ [Lemieux].

Ce sont donc les communautés religieuses qui instruisent et éduquent les jeunes du Québec. Jésuites et Ursulines à Québec, Sulpiciens et religieuses de la Congrégation de Notre-Dame à Montréal, Récollets et Ursulines à Trois-Rivières, l'Église contrôle entièrement l'éducation. Le Collège des Jésuites de Québec est d'ailleurs la seule institution de tout le Canada offrant l'enseignement secondaire complet. Dans les grands centres, on voit apparaître quelques écoles de métier et écoles latines mais elles sont toutes dépendantes du Collège des Jésuites de Québec [Lemieux].

Sous le Régime anglais, (voir le Module 2, Tentatives d'élaboration d'un système scolaire sous le Régime anglais (1760-1840)), après la Conquête de 1760, l'Église continue de gérer un réseau prédominant d'institutions privées pendant que l'État commence, de son côté, à développer sa législation scolaire, notamment par la création de l'Institution royale en 1801, ce qui lui permet de mettre en place un premier réseau d'écoles primaires publiques ½qu'il tente à quelques reprises d'imposer à tous, mais sans succès, tout au moins dans le Canada français╗ [Lemieux].

De la Constitution canadienne de 1867 à la Révolution tranquille de 1960, l'école primaire devient tout de même de plus en plus publique et ouverte à tous tandis que l'enseignement secondaire et supérieur demeure largement privé et sous la totale gouverne de l'Église catholique. En effet, le clergé exerce ½un quasi-monopole dans certains secteurs de l'éducation : les études secondaires du second cycle, la formation des maîtres, les études universitaires et une bonne part des études spécialisées╗ [Després-Poirier].

La principale force de l'enseignement privé est constituée par le réseau des collèges classiques qui est administrativement et pédagogiquement sous le contrôle de l'Église tout en étant subventionné par l'État grâce à la reconnaissance du Comité catholique.

L'enseignement privé se développe ainsi, sans aucune entrave réelle, jusqu'en 1959 alors que la mort subite du Premier ministre Maurice Duplessis - qui maintenait le Québec dans l'immobilisme à tous les niveaux, y compris dans le secteur de l'éducation - permet enfin d'accueillir et de favoriser le vent de changement qui souffle à ce moment-là dans toute la société québécoise.

Avant de présenter les changements survenus dans le secteur de l'éducation pendant la réforme des années 60, il semble important de bien saisir la place essentielle détenue par l'enseignement privé dans le Québec de ce début des années 60. À cet effet, voici un portrait chiffré de la situation qui prévaut à ce moment-là :
Quelque 38 000 jeunes sont inscrits dans les 182 écoles secondaires privées existantes réparties comme suit :

75 collèges classiques (54 pour garçons, 21 pour filles);
61 instituts religieux;
6 collèges modernes;
40 couvents spécialisés en lettres et sciences


L'enseignement y est donné par 4 538 enseignants, dont 3 827 religieux, soit 84% du personnel enseignant, qui reçoivent des salaires symboliques de l'ordre de 200 à 400$ par année ;

Au secteur professionnel, l'enseignement privé fournit aussi une contribution non négligeable. Qu'on pense seulement aux écoles de soins infirmiers, aux écoles ménagères et autres instituts familiaux, aux collèges commerciaux parmi les plus réputés, tous dirigés par des communautés religieuses. L'Église contrôle ainsi la plus grande partie de la formation secondaire et collégiale des filles de langue française, ce qui lui permet de transmettre son idéologie sociale et ses valeurs aux générations suivantes. [Lemieux].

Concernant les garçons, l'Église partage alors la formation technique et professionnelle avec l'État qui a pris, peu à peu, la relève des initiatives privées au cours des années.

Quant aux universités de langue française (Montréal, Laval et Sherbrooke), elles sont toutes trois privées jusqu'à la création du réseau de l'Université du Québec en 1968.

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