Le moratoire sur le développement du secteur scolaire privé (1977)
Au milieu des années 70, les effectifs scolaires du secteur public font une chute importante en raison de la dénatalité au Québec. Pendant ce temps, les clientèles du secteur privé ont presque doublé. Le gouvernement québécois de l'époque, pour qui la priorité était sans conteste le secteur public, demande aux écoles privées de cesser leur développement jusqu'à la publication d'une politique concernant l'enseignement privé. ½Il s'agit en fait d'un "moratoire" que le ministre de l'époque, Jacques-Yvan Morin, décrète en février 1977. Il suspend l'émission de permis à de nouveaux établissements privés, ne permet pas l'amélioration des statuts des établissements déjà existants et gèle les clientèles╗ [Després-Poirier].
Ce moratoire crée évidemment tout un émoi chez les défenseurs de l'école privée qui, avec l'appui d'une pétition signée par 546 097 citoyens du Québec, décident d'alerter l'opinion publique.
En 1981, la loi 11 est adoptée. Elle modifie le calcul du coût moyen de l'enseignement. Au lieu de se baser sur le coût de l'année précédente, celui-ci est établi à partir d'un montant de base pour chaque élève inscrit à temps plein au secteur public et d'un montant représentant la valeur locative des édifices. Ce qui fera passer les subventions de 80% à 75% environ. ½Cette modification du mode de financement signifie une coupure importante dans les subventions habituellement accordées au secteur privé par la loi 56╗. (Simard, 1993, [Després-Poirier].)
L'Association des parents catholiques du Québec met sur pied un vaste lobby de résistance du secteur privé. Une pression importante qui ne permettra pas toutefois l'annulation du moratoire et de la loi 11, et ce, malgré le fait qu'une commission parlementaire ait été mise sur pied afin d'entendre les groupes désireux de s'exprimer sur la question. En fait, ce n'est qu'après le jugement rendu par la Cour d'appel dans la cause du Mont-Bénilde que le moratoire sera levé.
La cause du Mont-Bénilde
L'École Mont-Bénilde de Bécancour est une ancienne école secondaire privée des Frères des écoles chrétiennes, fermée depuis 1968. La cause commence en 1980 alors que le ministre de l'Éducation, respectant ainsi l'avis de la Commission consultative, refuse de reconnaître cette école d'intérêt public. Malgré des pressions, le ministre refuse même d'accorder un permis. La Cour supérieure, saisie de la cause, rejette la requête du Mont-Bénilde et refuse d'obliger le ministre à lui octroyer un permis d'établissement d'enseignement privé.
Saisie de ce jugement, la Cour d'appel stipule en 1983 que le pouvoir d'émettre des permis n'est pas un pouvoir discrétionnaire du ministre, comme on l'a toujours cru, mais un pouvoir déclaré de compétence liée. Les permis doivent donc être émis à quiconque aura fourni, selon les articles 24 et 26, un nom, une adresse, le genre d'enseignement, une description des cours et des moyens prévus pour réaliser les objectifs, une prévision des inscriptions, les prévisions budgétaires, le montant des frais de scolarité de même que tout autre renseignement jugé pertinent. Les motifs de bien commun et d'intérêt public ne se justifient que lorsqu'il y a demande de subventions.
Le gouvernement est placé devant l'évidence que la loi est ½ambiguë et inadaptée aux transformations survenues depuis son adoption, 15 ans plus tôt╗. [Després-Poirier]. Le moratoire est officiellement levé en 1986 par le gouvernement libéral de l'époque. Jusqu'en 1995, une quarantaine de nouvelles écoles privées verront le jour au Québec, dont une vingtaine subventionnées par l'État.