Jamais un auteur de romans (de terreur qui plus est) na autant été porté au grand écran que Stephen King. Tous ses livres ont connu une ou plusieurs versions cinématographiques avec des succès plus ou moins probants. Car ce qui caractérise luvre du Maître de Bangor au cinéma, cest léclectisme des résultats où les réussites côtoient allègrement les pires désastres. Tour à tour, trahis par des scénaristes médiocres ou magistralement mis en scène, King reste un filon inépuisable et rentable pour la caste des producteurs hollywoodiens toujours à la recherche de profits.
Dans cet imbroglio de films inégaux, Grimoire vous donne quelques clefs pour aborder King au cinéma avec circonspection.
Carrie de Brian De Palma ou un départ
en fanfare.
Sans Carrie de Brian De Palma, Stephen King naurait sans doute pas connu une réussite aussi foudroyante. "Le film a fait le roman et le roman ma fait", proclame King. Assertion on ne peut plus véridique au demeurant.
Mais il ne faut pas croire que cela se soit fait en un claquement de doigt.
Bien que le roman soit un succès de librairie, les grands pontes
dHollywood restent rétifs à adapter lhistoire de cet écrivain
encore inconnu de la majeure partie du public. Pourtant, il y a quequun
qui croît en ce projet. Cest Brian De Palma. Le talentueux réalisateur
de Phantom of Paradise contacte alors le producteur George Litto
qui acquiert les droits du livre. Reste à faire le film. Résultat
: un chef-duvre, peut-être une des meilleures adaptations de King.
La qualité du film tient surtout
à trois facteurs principaux.
Premièrement, le scénario
de Lawrence D. Cohen est une perle de scripte. Et quel challenge à
relever ! Transformer une histoire non linéaire faite de chapitres
entrecoupés darticles de journaux, de compte-rendus de procès
et de témoignages en un scénario ordonné et progressif
représentait une épreuve stylistique et narrative que Cohen
réussit haut la main.
Deuxièmement, De Palma a apporté une touche
personnelle unique de violence et de lyrisme qui font de Carrie
une uvre atypique dune exceptionnelle intensité dramatique. Les
choix visuels de De Palma sont par ailleurs judicieux et, même si
aujourdhui ils paraissent stylistiquement démodés, ils donnent
au film une force peu commune (notamment la scène du bal de fin
dannée).
Enfin, troisièmement, linterprétation
de Sissy Spacek demeurera dans les annales. Dune jeune adolescente fragile
et perturbée, elle se métamorphose en une tueuse aux pouvoirs
télékinésiques exacerbés dont la vengeance
impitoyable sabat sur ses camarades de classe. Sissy Spacek, couverte
de sang, les yeux exorbités restera à jamais limage choc
du film.note 1
Tous ces éléments ont
contribué au succès de Carrie à travers le
monde note 2
et à la révélation de Stephen King. Dailleurs lui-même
a déclaré à ce propos : "Le film de De Palma est
superbe. Il maîtrise parfaitement le matériau dorigine. Par
bien des points, le film est plus stylisé que le roman, qui était
dailleurs parfois lourds." C.Q.F.D.
Le très controversé Shining de Stanley Kubrick.
Jamais un film fantastique (adapté
de Stephen King qui plus est) na autant fait couler dencre et de salive.
Les uns voient en Shining le chef-duvre absolu du film dhorreur,
les autres une trahison impardonnable envers le roman de Stephen King.
King lui-même est furieux : "Comme Arthur C. Clarke sur 2001
Odyssée de lespace, jai été vaguement consulté
par Stanley Kubrick." La vérité est que lécrivain
est amer. Non seulement, il sest vu refuser le scénario quil avait
concocté à partir de son livre, mais ladaptation quen a
fait Kubrick la profondément déçu. Même George
Romero dira de Shining : "Ce nétait pas du Stephen King,
cétait quelque chose dautre."
Quels reproches adresser au film de
Kubrick ? A la vérité, ils sont nombreux.
La première erreur du réalisateur d'Orange
mécanique (et sa plus monumentale à mon avis) concerne
le scénario en lui-même. Kubrick na pas compris (ou na pas
voulu comprendre) luvre de King. Il sest éloigné de la
démarche initiale de King qui contait lhistoire dun enfant dont
les pouvoirs de clairvoyance en faisaient le réceptacle des fantômes
et des esprits dun hôtel hanté. Ce thème de linnocence
fracassée, Kubrick le transforme en un film sur la folie meurtrière
dun homme. Dès lors, les visions du petit Danny même si elles
sont mises en scène avec maestria (notamment les flots de sang se
déversant dans les couloirs de lhôtel) ne peuvent apparaître
comme incongrues dans la progression générale du film.
La seconde grosse faute tient au jeu de Jack Nicholson.
Dès les premières images, son regard halluciné ne
trompe pas et ne cache en rien la folie qui lhabite. Cela va à
lencontre de la volonté de King qui décrit la lente désagrégation
de la raison de Jack Torrance. Le cabotinage de Nicholson narrange pas
les choses et manque de peu de faire sombrer certaines scènes dans
le ridicule.
En conclusion, Shining cest un peu comme du Canada Dry, ça ressemble à du Stephen King mais ce nest pas du Stephen King. Et cela, les fans de lécrivain lont bien perçu.
Le début des
années 80 : une période faste.
Ces deux premiers films ayant connu des succès mondiaux, les producteurs se jettent sur les romans de King et les années 80 voient les adaptations cinématographiques se multiplier avec plus ou moins de réussite.
The Dead Zone de David Cronenberg
Au rang des bonnes surprises, il faut retenir Dead Zone qui est le meilleur film tiré dun roman de King. Dès 1980, Lorimar achète les droits du livre. La production est confiée à Sidney Pollack et la mise en scène échoit à Stanley Donen. Hélas, des problèmes financiers obligent Lorimar à céder les droits dadaptation à Dino De Laurentiis qui sempresse de confier le soin décrire le scénario à Stephen King himself. Le réalisateur Andreï Konchalovsky est pressenti. Une fois de plus, le projet senlise à la fois parce que le metteur en scène soviétique ne parvient pas à saisir toutes les subtilités de cette histoire très "américaine" et parce que le scénario de King est bancal. En effet, ce dernier fonde son scripte essentiellement sur les méfaits de Frank Dodd, le tueur en série de Castle Rock. Dino De Lauentiis pense abandonner le projet quand se présente lhomme providentiel, le Canadien David Cronenberg. Aidé de Jeffrey Boam (le futur scénariste dIndiana Jones et la dernière croisade), il réalise sans doute le meilleur film fantastique de ces vingt dernières années. Le choix de Christopher Walken dans le rôle de Johnny Smith pouvait inquiéter tant la personnalité du héros du roman ne semblait pas correspondre à la "gueule" de lacteur. Et surprise, Christopher Walken campe un personnage tout en émotions et en fragilité. On n'aurait pas pu imaginer mieux. Louanges similaires pour Martyn Sheen (Greg Stillson) en politicard véreux et mégalo. La prouesse de Cronenberg est davoir su rendre le héros très humain, héros, qui après avoir maudit son don de sixième sens, se sacrifie, tel Jésus Christ, pour sauver le monde dune guerre nucléaire.
Christine de John Carpenter
1983 est décidément une
année faste car sort sur les écrans Christine. Cest
Stephen King lui-même qui prend linitiative denvoyer un scripte
au producteur Richard Kobritz. Celui-ci emballé par le projet demande
à John Carpenter de le concrétiser. Et le réalisateur
de New York 1997 sen sort merveilleusement bien. Du plus mauvais
roman de King et sans vedettes au générique, il tire un film
rythmé et primé au festival dAvoriaz. Par quelle métamorphose
est-il arrivé à ce résultat ? Je crois que Carpenter
et son scénariste Bill Phillips ont éliminé de leur
histoire, lélément surnaturel qui rendait le roman ridicule,
à savoir le fantôme de lancien propriétaire de la
voiture hantant son véhicule. Dans le film, la Plymouth Fury 1957
est tout simplement habitée par le Mal et elle contamine son jeune
possesseur. Tout est misé sur la voiture qui est la véritable
héroïne du film. Si aujourdhui Carpenter regrette davoir
négligé cet aspect du roman de King, on peut considérer
quà lépoque cela a sauvé le film dun bide retentissant.
La crise des années 84-87.
Une belle récolte de
navets.
A partir de 1983-1984, les adaptations
des romans de King se multiplient. Et les choses se gâtent par conséquent
car Hollywood a compris que mettre le nom de Stephen King en haut dune
affiche peut rapporter gros. Et la plupart des producteurs sont peu respectueux
envers le travail de lécrivain. Mon but nest pas de rappeler à
votre douloureux souvenir les pires navets estampillés Stephen King
mais arrêtons-nous sur quelques uns dentre-eux.
Children of the Corn (1984) de Fritz Kiersch diffusé
en France sous le titre racoleur dHorror Kid. Voilà larchétype
du film-escroquerie. Très vaguement inspiré dune nouvelle
du maître, il repose sur un scénario affligeant et débile
(si quelquun peut mexpliquer comment des enfants parviennent à
tuer tous les habitants adultes de leur village et à maintenir le
secret aux yeux du monde pendant trois ans, écrivez à la
rédaction), sur une réalisation aussi plate que le plat pays
de Brel et une interprétation digne des feuilletons brésiliens
(on se demande ce que Linda Hamilton, la future héroïne de
Terminator, est venue faire au milieu de ce fiasco cinématographique).
Même topo pour Running Man mais cette fois-ci
King peut se montrer plus en colère car le film a bénéficié
dun budget conséquent et peut nuire à la réputation
de lauteur. Car rien de comparable entre le roman, à la teinte
fortement pessimiste, et le film, pur produit hollywoodien commercial et
fade. Rien quArnold Schwarzenegger dans le rôle de Ben Richards
ne tient pas la route (ceux qui ont lu le bouquin me comprendront)
note 3 . Mais il ne reste
plus à Stephen King que ses yeux pour pleurer : "Ce film ma
totalement échappé. Je nai absolument rien à voir
avec lui. Ses producteurs y ont vu un bon prétexte à une
histoire façon Terminator et Rambo, où Arnold
Schwarzenegger pourrait débiter les petites formules dont il a le
secret comme Ill be back" Le plus content dans laffaire est sans
nul doute le producteur George Linder qui a acquis les droits du roman
pour 20 000 dollars alors que King navait pas encore avoué quil
était Richard Bachman.
Le Cobaye (1991) de Brett Leonard, outre le fait
quil soit profondément nul note 4
, a au moins le mérite de faire réagir Stephen
King. Dès la sortie de ce navet, lauteur saisit la justice et obtient
quon retire son nom sur les affiches et sur les vidéocassettes.
Trop tard, le mal est fait, le film est déjà un succès
planétaire et pire, il a éclipsé La Nuit déchirée
écrit par King.
Les cas de Cujo et de Peur bleue.
Il y existe deux films envers lesquels
jéprouve toujours un soupçon de gêne quand il sagit
de les dénigrer parce que King est très lié à
eux.
Le premier, Cujo (1983), est dune fadeur exceptionnelle
et dune lenteur descargot. La mise en scène de Lewis Teague est
discutable à plusieurs reprises. Pourtant cette adaptation savère
lune des préférées de Stephen King : "Cujo
compte parmi les adaptations que je préfère. Il conserve
lesprit et la saveur particulière du livre. Il ne sembarrasse
pas de finesse, il na aucune prétention." Sans finesse et aucune
prétention, les mots sont lâchés. Cujo manque
cruellement de personnalité et c'est cela son principal défaut.
Pire, King a cautionné la fin qui voit le petit Tad Trenton survivre.
Cest un coup dur pour les fans du maître auxquels on " vole " le
dénouement dramatique qui faisait la force du roman. Dun livre
sombre et cruel, Hollywood tire un film convenu et banal. Par conséquent,
jai encore du mal à comprendre cette déclaration de King
: "Je pense que Dee Wallace (lactrice qui joue le rôle de
Donna Trenton) mérite lOscar pour son interprétation."
Là, je trouve quil exagère un tantinet.
Le second film qui me pose problème est évidemment Peur
bleue. Il compte peut-être parmi les plus grandes déceptions
de lécrivain au cinéma car, au départ, toutes les
cartes étaient en sa possession pour réussir un bon film.
Quand Dino De Laurentiis envisage de produire un long-métrage fondé
sur LAnnée du Loup-garou, il confie à King le soin
de scénariser sa propre histoire. Celui-ci peut alors intégrer
les éléments qui lui tiennent à cur et orienter la
trame dans la direction quil désire. Aussi lorsquon lit le scénario,
on se dit que le film ne pouvait être que réussi. Mais où
le bât blesse-t-il donc ? La vérité est que, cette
fois-ci, King a été trahi par la production. En effet, Dino
De Laurentiis ne désire pas sembourber dans des délais interminables
comme ce fut le cas sur Dead Zone. En conséquence, il précipite
les choses et court à sa perte. En une semaine, il choisit le réalisateur
Daniel Attias. Ce dernier, bien quayant travaillé avec Coppola
et Spielberg, na aucune expérience de la mise en scène.
Carlo Rambaldi, oscarisé pour ses effets spéciaux dans E.T.,
se fait poser un ultimatum de cinq semaines afin de réaliser les
métamorphoses des loups-garous. Au final, Peur bleue est
un mauvais film de série Z tout juste bon à être diffusé
en deuxième partie de soirée sur une chaîne ringarde.
Des maquillages de pacotille, une réalisation nébuleuse,
des acteurs se demandant ce quils font là (et pourtant Gary Busey
et Everett Mc Gill ne sont pas des pantins), tout concourt à faire
de Peur bleue un flop retentissant.
Maximum Overdrive ou le cauchemar de Stephen King.
Comment ne pas aborder Maximum Overdrive, l'unique expérience de Stephen King en tant que réalisateur. Pourtant, je ne le ferai que très brièvement car le Maître lui-même veut oublier cet échec cuisant :
"Je n'ai pas fait un très bon boulot sur Maximum Overdrive."
Sincère le bougre mais peut-être un peu dure comme auto-critique.
Certes, ce n'est pas un très bon film et King a accumulé
les erreurs d'un jeune réalisateur. Mais de là à cracher
dessus comme le firent les critiques, il n'y a qu'un pas que je ne franchirai
pas. En effet, il me semble que l'on attendait trop de King. Ecrire et
filmer, ce n'est pas la même chose, King l'a cru mais tout le monde
aussi. Je pense qu'il n'a pas fait la différence entre créer
un roman et une oeuvre cinématographique. Pour lui, faire un film
relevaient des mêmes difficultés que d'écrire un livre.
Le résultat est simple : Maximum Overdrive ressemble à
un grand livre d'horreur en images, à une série de scénettes
où l'univers de King est bien perceptible.
Les meilleurs films de King ne sont pas des films
d'horreur ?
Bizarrement, les quatre meilleurs films, estampillés Stephen King (il faudra relativiser encore une fois), ne sont pas des films fantastiques. En 1986, Rob Reiner se voit proposer le scénario de Stand by me par son ami Adrian Lyne. Reiner nest pas un fan de King, loin de là. Tout ce qui touche le gore et lhorreur le rebute. Pourtant, il accepte de lire le script et il découvre une histoire singulière damitié entre des enfants à cent mille lieues de limage que lon se fait de King. Reiner trousse un film magnifique, très sensible, racontant lodyssée de quatre copains qui partent à la recherche du cadavre dun homme tué par un train et qui, en fait, vont perdre leurs illusions pour entrer dans le monde adulte. Narrée sur le ton de la mélancolie par un des enfants devenu écrivain (interprété par Richard Dreyfuss), cette histoire dégage une puissance nostalgique incomparable. Le mérite de Rob Reiner est de nous avoir fait découvrir la face cachée de Stephen King, à savoir celle dun écrivain de talent et non celle classique du scribouillard aux mains dégoulinantes dhémoglobine :
" Je ne suis pas un fana dhorreur. Mais je ne pense pas que lintérêt de luvre de Stephen King soit là. Cest vrai que la plupart des gens pensent que Stephen King obtient un si grand succès parce quil touche au gore et à lhorreur. mais ses livres touchent à quelque chose de plus profond. En les étudiant de plus près, vous découvrez que King sintéresse énormément à la psychologie des personnages, aux rapports quils entretiennent entre eux. Et adapter un de ses romans devient alors passionnant. Des écrits de Stephen King émane une grande chaleur. A vous de la transmettre aux personnages lors de ladaptation. "
En
1990, Rob Reiner récidive et décide de replonger dans lunivers
de Stephen King mais dans un univers plus proche, plus classique en adaptant
Misery. Là, Reiner prend un risque car ce roman est lun
des plus personnels de lécrivain. En effet, il y parle de sa peur
intime, celle dêtre séquestré et torturé par
un fan disjoncté. Peur très intime en réalité
parce que lidée de Misery est partie dune anecdote très
particulière. Un jour, un jeune homme, qui se déclare comme
son fan n°1, demande à King de lui dédicacer un polaroïd
: " Salutations de Stephen King à Mark Shapman. " Ce Mark
Shapman nest autre que lassassin de John Lennon.
Le challenge de Rob Reiner était de faire transpirer
la peur de King dêtre victime de son trop grand succès, sorte
de revers de la médaille de sa célébrité. Pourtant,
lui et son scénariste William Goldman se démarquent de la
trame originale du roman en créant un film plus fondé sur
le suspense (voir les multiples clins dil à Hitchcock) que sur
la terreur pure. En effet, il y a une gradation dans lhorreur. LAnnie
Wilkes de Reiner (superbement interprétée par Kathy Bates)
ne se montre que progressivement sur son jour le plus mauvais au contraire
de loriginale de King dont la folie éclate dès les premières
pages. Au résultat, Misery est un film très stressant
où la tension emporte le spectateur aux premières images.
Rob Reiner le reconnaît :
" Les amateurs dhorreur seront déçus de ne pas trouver dans le film leur ration de tripes et de moignon. "
Quoiquil en soit, Stephen King lui-même ne savéra pas outré de la relecture hollwoodienne de son ouvrage, bien au contraire, il trouva que le film avait respecté lesprit du livre. Alors si le principal intéressé est content
Rob Reiner voit encore son nom associé à Dolores Claiborne puisque cest sa maison de production Castle Rock (tiens comme cest bizarre ) qui finance le film réalisé par Taylord Hackford avec encore une fois en tête daffiche limposante Kathy Bates pour tenir le rôle de cette femme singulière. Là aussi, le metteur en scène a choisi de séloigner du concept original de King, à savoir le monologue dune femme dans un bureau de police, pour plutôt construire un film à la progression linéaire entrecoupé de flash-back éclairant le présent. Cette optique a permis de mettre en scène un duel de femmes, Dolores Claiborne et sa fille, opposition qui nexistait pas dans le roman. Choix judicieux peut-être car Dolores Claiborne était un roman très difficile à traduire en images.
Le
cas des Evadés est légèrement différent
car le film emprunte une nouvelle de Stephen King pour en faire un film
qui na pas grand chose à voir avec lunivers de lécrivain.
Pourtant, au contraire de navets comme Le Cobaye ou The Running
Man, le film de Frank Darabont est une uvre sincère et magnifique
qui témoigne du talent dun grand réalisateur. Et sil se
rapporte que partiellement à la nouvelle Rita Hayworth and the
Shawshank Redemption extraite du recueil Différentes Saisons,
Les Evadés, par son succès commercial, a permis à
des non-initiés de découvrir les écrits de King.
Et Simetierre sauva King.
En 1989, Simetierre de Mary Lambert permet à Stephen King de renouer avec le succès au cinéma. En effet, depuis The Dead Zone (et excepté Stand by me qui nest pas un film fantastique), aucun ouvrage de lécrivain na bénéficié dune adaptation honorable.
Pourtant, tout laissait craindre que Pet Sematary fût un désastre.
En effet, ce roman est lun des plus effrayants et des plus cruels de King.
En décrivant la destruction dune famille, lauteur fait naître
un malaise chez le lecteur, malaise qui passe au second plan au fur et
à mesure que la terreur monte en crescendo. Cest peut-être
la complexité psychologique de cette histoire macabre qui poussa
King à satteler lui-même au scénario du film. Sil
fallait se planter, autant que ce soit par sa faute !
Au résultat, le film de Mary
Lambert est tout simplement réussi. Réussi dans son scénario
car King a eu lintelligence de garder les éléments qui faisait
la force de son roman, et ce au risque de faire se déclencher les
foudres de la censure américaine. La mort du petit Gage représente
le point culminant du film et introduit une dimension dramatique, ce qui
est rare dans ce genre de production. Tout en restant une série
B, Pet Sematary se détache du lot à la fois bien sûr
par son budget nettement au-dessus de la moyenne pour ces films mais surtout
par le soin apporté au traitement du sujet, cela on le doit autant
au talent de Mary Lambert quà celui de Stephen King.
Des changements dans les années 90.
Rien à vrai dire. Les années 90 semblent marquer un net ralentissement dans les adaptations au cinéma. Cela est dû en grande partie au renversement de la tendance, à savoir la recrudescence des films TV (cf. article Existe-t-il un bon format pour les adaptations de Stephen King ?). Moins chers et plus rentables, ces derniers représentent un nouveau débouché audiovisuel à limagination fertile du Maître de lhorreur.
Dans ce contexte, les productions cinématographiques se raréfient. Citons Needful Things (1993) de Fraser C. Heston qui, malgré de grandes stars à laffiche (Max Von Sydow, Ed Harris, Bonnie Bedelia), ne se démarque pas des productions du même style. Transcrite à lécran, la destruction de Castle Rock, véritable apocalypse de feu et de sang dans Bazaar, est dune fadeur et dun conventionnalisme frisant lirrévérence envers luvre de lauteur.
The Dark Half (1990) est un film miraculé. " The Dark Half est toujours dans les limbes. Et cest vraiment honteux car il sagit dun film superbe. Peut-être lun des meilleurs de George Romero, si ce nest le meilleur." Ces mots de Stephen King sont consécutifs au dépôt de bilan dOrion, la compagnie productrice du film. Réalisé par George Romero, lami de King, La Part des Ténèbres était un pari ambitieux : signer le retour tonitruant dun film de qualité daprès Stephen King. Et qui mieux choisir que Romero déjà réalisateur à succès de Creepshow pour mener à bien ce projet. Hélas, les problèmes financiers dOrion coulèrent ce projet et le film ne sortit quen 1993 dans un quasi-anonymat. Regrettable si lon accorde nos violons avec King qui porte The Dark Half aux nues. A la vision dudit film, rien de bien original en vérité. La réalisation est des plus classiques tandis que le jeu des acteurs Thimoty Hutton en premier lieu ne parvient pas à convaincre. Dommage lorsquon pense que La Part des Ténèbres compte parmi les meilleurs romans de King et il aurait mérité une adaptation plus hardie et plus originale. A défaut davoir voulu prendre des risques comme il avait fait sur La Nuit des morts-vivants ou sur Zombie, Romero a fait le choix de la sécurité en troussant une uvre sans grande surprise. On ne peut lui reprocher après les échecs du Jour des morts-vivants (1986) et de Incidents de parcours (1989).
Les années 1990 voient également limplication grandissante
de Stephen King dans des projets cinématographiques. Dégoûté
par son unique expérience en tant que réalisateur, lécrivain
se tourne désormais vers lécriture de scénarios.
Peut-être motivé par la réussite de Pet Sematary,
King se lance, dès 1990, dans laventure de La Nuit déchirée.
En compagnie de son ami réalisateur Mick Garris, King invente les
Félidés, une race de vampires psychiques mi-hommes mi-félins
qui ont le pouvoir de se métamorphoser et de transformer les objets
par leur simple force desprit. Dans le film, Brian Krause et Alice Krige
campent les deux derniers survivants de cette race mystérieuse condamnés
à errer de villes en villes à la recherche de proies. King
opte volontairement pour un huis clos entre les deux monstres et leur victime
(Mädchen Amick) plutôt que pour une grande fresque fantastique.
Pourtant on aurait tort de parler de monstres car lécrivain ne
tombe pas dans un affrontement banal entre le Bien (représenté
par la pure et vierge jeune fille) et le Mal (personnifié par les
Félidés). En effet, ces vampires sont présentés
comme des parias, des anomalies génétiques, une race anachronique
confrontée au monde moderne et obligée de fuir et de se cacher
pour survivre. Dès lors, les traqués ne sont pas ceux que
lon pourrait croire (on éprouve même de la peine pour ces
deux personnages). Et cest peut-être dans cet aspect là quil
faut chercher les causes de léchec commercial de La Nuit déchirée.
Il me semble que King tombe dans la facilité en imputant le flop
de son bébé à linnommable Cobaye de Brett
Leonard. A mon avis, le public amateur de productions fantastiques na
pas retrouvé dans ce film les canons classiques inhérents
à ce genre cinématographique note
5 . Certains ont même ressenti un malaise
diffus par rapport aux relations incestueuses quentretiennent les Félidés
entre eux. Pourtant, si on compte parmi les fans de lécrivain,
La Nuit Déchirée ne peut décevoir car on y
retrouve beaucoup déléments caractéristiques des
livres de King. Et on se prend à rêver que lhistoire de La
Nuit déchirée aurait sans doute composé la trame
dun excellent roman. Si vous mentendez Monsieur King, pensez-y
En guise de conclusion de ce trop court exposé, que retenir de Stephen King au cinéma ? Sans trop se mouiller, il faut se garder dopérer une dichotomie, plaçant dun côté les échecs et de lautre les réussites. Lunivers de Stephen King reste et restera très difficile à rendre intelligible sur les écrans et ce, quelque soit le talent des réalisateurs et des acteurs. Même le Maître sest cassé les dents (il ny a quà voir Maximum Overdrive).
Depuis quelques années, King ne monte plus sur ses grands chevaux lorsquune adaptation savère désastreuse. Sa philosophie est désormais simple : ses livres survivent aux images. Tournure desprit un tantinet hypocrite, me semble-t-il. En effet, il nhésite pas à vendre les droits dadaptation de ses ouvrages des millions de dollars. Mais après tout, cest bien légitime car, après tout, cest lui qui se creuse la tête afin de trouver des histoires aussi extraordinaires.
note 1 : Pour l'anecdote, Sissy Spacek devrait initialement tenir le rôle de la méchante camarade de classe (finalement jouée par Nancy Allen). Mais lorsqu'elle se présenta à l'audition, les autres actrices se moquèrent d'elle, de sa tenue et de sa coiffure. De Palma avait trouvé sa Carrie.
note 2 : 306 239 entrées à Paris.
note 3 : C'est d'autant plus dommage que le projet initial prévoyait George Pan Cosmatos à la réalisation et Christopher Reeves à la distribution.
note 4 : La société de production Allied Vision acheta les droits de "La Pastorale", une nouvelle du recueil Danse Macabre. Le plus habile des scénaristes ne pouvait parvenir à tirer, au mieux, un court-métrage de cette histoire d'un homme traqué par une tonseuse à gazon. Qu'à cela ne tienne, on bricola une solution. Brett Leonard travaillait sur un projet intitulée CyberGod, histoire d'un scientifique et d'un attardé mental pénétrant dans un monde virtuel. Il n'y avait qu'à mélanger les deux scénarios. Et cela a bénéficié à Brett Leonard qui vit son film estampillé "Stephen King".
note 5
: Les critiques fustigèrent l'horreur "un peu crétine" de
La Nuit Déchirée et classèrent le film dans
la catégorie des séries B de bas étage pour ne pas
dire des séries Z comme les somptueux navets Woodoo Soup,
Glutors, Possessor, The Meteor Man ou les bon vieux
films de Jean Rollin.