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1995-08-30
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3KB
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44 lines
LE JEU DES ENFANTS DE LA CITE FOLLE
Chaque fois qu'Elisabeth, Michael, Clara et Paul jouaient, le ciel s'obscurcissait
au point de devenir d'un noir de jais. Et il ne pouvait alors en Ωtre autrement
puisque les enfants de la CitΘ Folle ne jouaient jamais lorsque le ciel Θtait bleu,
jaune ou rouge. Cela Θtait formellement interdit par les chiens, gardiens du reve et
de ses territoires.
Elisabeth jouait rarement. Elle avait toujours peur.
Paul non plus ne jouait pas souvent. Les jeux ne l'intΘressaient pas. Et puis il
avait fort α faire pour rassurer Elisabeth qui se serrait toujours tout contre lui.
Michael et Clara n'Θtaient pas comme eux. Ils aimaient jouer. Ils aimaient les jeux. Ou
plut⌠t ils aimaient un jeu. Le Jeu. Toujours le mΩme. Et Elisabeth avait peur du Jeu.
DΦs que le ciel devenait nuit les enfants entraient, l'un derriΦre l'autre, dans le jardin
sans Γme, bande de tΘnΦbres coincΘ tout au bout du cimetiΦre, et Clara s'asseyait sur l'herbe
bleutΘe α l'Θtrange fluorescence, adossΘe au vieux chΩne mort. Invariablement Michael la
suivait. Il s'agenouillait devant elle et tirait de dessous son tricot de grosse laine
blanche une longue aiguille d'acier. Tout comme si la personne qui avait tricotΘ ce pull
l'avait oubliΘe dans les mailles de laine. C'est α ce moment prΘcis qu'Elisabeth commenτait
α avoir vraiment peur.
Mais ni Michael, ni Clara, ne s'en rendaient compte.
Le garτon, doucement, avec des gestes lents et prΘcis, enfonτait l'aiguille dans l'oeil
droit de Clara puis il attendait jusqu'α ce qu'une goutte de sang apparaisse α la surface
vitreuse de l'oeil. Alors, toujours avec la mΩme lenteur, il retirait l'aiguille, prenant
garde de ne blesser la fillette, et l'essuyait soigneusement sur un mouchoir blanc qu'il
sortait d'une de ses poches.
L'espace d'une demi seconde, son regard croisait celui de Clara puis il enfonτait l'aiguille
dans l'autre oeil. Encore une fois il attendait l'apparition de la tache rouge puis il
retirait l'aiguille et l'essuyait de nouveau. Le jeu prenait fin sur ce geste, et pour
manifester son plaisir Clara riait, riait α n'en plus finir et Elisabeth se blottissait un
peu plus fort dans les bras de Paul en se bouchant les oreilles de ses mains.
Puis, le ciel virant au rouge, les enfants rentraient chez eux et les gardiens du rΩve,
refermaient la porte du jardin des tΘnΦbres.
Markus LEICHT
Copyright 1995
Reproduction interdite sans l'accord de l'auteur (Jean-Marc LEGER, 10 rue Laurencin, 69002
LYON).