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Text File  |  1996-08-11  |  21KB  |  46 lines

  1.      Les femmes apport├¿rent ├⌐galement leur contribution b├⌐n├⌐vole ├á l'effort de guerre en aidant ├á contr├┤ler l'inflation. Apr├¿s que la Commission des prix et du commerce en temps de guerre eut fix├⌐ des plafonds pour les prix et la production de nombreux articles de consommation, en 1941-1942, les clubs f├⌐minins de toutes les r├⌐gions du pays form├¿rent des comit├⌐s charg├⌐s de surveiller le mouvement des prix et de s'assurer qu'on pouvait se procurer les biens essentiels ├á l'entretien de la maison et de la famille. Les femmes apport├¿rent calepin et crayon dans les quincailleries, dans les magasins d'alimentation et de v├¬tements; elles not├¿rent les infractions au r├¿glement sur les prix, signal├¿rent les marchandises qui se faisaient rares. Cette nouvelle entreprise suscita encore une fois la cr├⌐ation d'un organisme f├⌐d├⌐ral charg├⌐ d'en coordonner l'activit├⌐: la Commission des prix et du commerce en temps de guerre se dota d'une Direction des consommateurs. Le Canada fut divis├⌐ en quatorze r├⌐gions administratives, chacune pourvue d'un Comit├⌐ consultatif r├⌐gional f├⌐minin, lequel ├⌐tait en relation avec des sous-comit├⌐s pour les localit├⌐s d'au moins 5 000 habitants, et avec des membres correspondants pour les agglom├⌐rations de moindre importance. En outre, dans les villes o├╣ l'on comptait plus d'un organisme f├⌐minin, chacun ├⌐tait pri├⌐ de nommer un agent de liaison qui resterait en contact avec le sous-comit├⌐ local. Gr├óce ├á ce r├⌐seau, le tiers des trois millions de Canadiennes d'├óge adulte furent mobilis├⌐es afin de surveiller ├⌐troitement le mouvement des prix et de la production dans toutes les r├⌐gions du pays et de communiquer leurs observations au bureau d'Ottawa.
  2.  
  3. Certaines femmes acc├¿dent ├á des postes en vue 
  4.  
  5.      Un certain nombre de femmes acc├⌐d├¿rent pendant la guerre ├á des postes en vue qui leur conf├⌐raient d'importantes responsabilit├⌐s. Le sommet du pouvoir, pour les femmes engag├⌐es dans les forces arm├⌐es canadiennes, ├⌐tait la direction de l'un des services f├⌐minins. En 1944, ces commandements ├⌐taient assum├⌐s par l'officier d'escadre Willa Walker, officier sup├⌐rieur du CARC, Section f├⌐minine; par le colonel Margaret Eaton, directrice du CWAC, et par le commandant Adelaide Sinclair, directrice du WRCNS. Dans l'Administration civile, des femmes acc├⌐d├¿rent ├á des postes de commande dans les services f├⌐minins relevant des minist├¿res f├⌐d├⌐raux li├⌐s ├á la conduite de la guerre. Ainsi, Fraudena (Mme Rex) Eaton fut plac├⌐e ├á la t├¬te de la Division f├⌐minine du Service national s├⌐lectif, au minist├¿re du Travail, et Nell (Mme W.E.) West fut directrice des Services b├⌐n├⌐voles f├⌐minins, au minist├¿re des Services nationaux de guerre. Certains postes attribu├⌐s aux femmes dans l'Administration publique correspondaient ├á des activit├⌐s que l'on consid├⌐rait comme l'apanage de leur sexe. La femme se chargeait souvent des achats pour la maison et la famille; voil├á sans doute pourquoi, au minist├¿re de l'Agriculture comme ├á la Commission des prix et du commerce en temps de guerre, on nomma une femme ├á la t├¬te de la division des consommateurs (Laura Pepper, chef de la Section des consommateurs au minist├¿re de l'Agriculture, et Byrne Hope Sanders, directrice de la Consommation ├á la Commission des prix et du commerce en temps de guerre). Ces dirigeantes ├⌐taient le plus souvent issues de l'├⌐lite de la soci├⌐t├⌐ canadienne; elles-m├¬mes ou leur ├⌐poux avaient g├⌐n├⌐ralement fait leur marque dans une profession lib├⌐rale ou dans le monde des affaires; dans bien des cas, elles avaient d├⌐j├á travaill├⌐ dans la Fonction publique. La guerre amena aussi les m├⌐dias ├á exploiter davantage les talents des femmes: certaines d'entre elles, ├⌐crivains, journalistes de la radio ou photographes, s'acquitt├¿rent de t├óches sp├⌐ciales en vue de mobiliser leurs soeurs pour l'industrie de guerre, les forces arm├⌐es et les services b├⌐n├⌐voles.
  6.  
  7. ├ëmancipation temporaire 
  8.  
  9.      Certains, voyant qu'un petit nombre de femmes s'├⌐taient ├⌐lev├⌐es ├á des postes de direction, que d'autres remplissaient des fonctions traditionnellement r├⌐serv├⌐es aux hommes et que les femmes en g├⌐n├⌐ral apportaient une contribution d'envergure ├á l'effort de guerre, crurent que le conflit mondial avait enfin ┬½├⌐mancip├⌐┬╗ les femmes. En 1943, le lancement solennel d'un navire que des travailleuses avaient aid├⌐ ├á construire ┬½depuis les premiers boulons et les premi├¿res t├┤les jusqu'au dernier coup de pinceau et ├á la derni├¿re pi├¿ce de cuivre poli┬╗ amena sous la plume de la journaliste Lotta Dempsey ces lignes enthousiastes:
  10.  
  11.      ├Ç l'occasion de ce lancement historique, les femmes donnaient aussi le d├⌐part de la derni├¿re ├⌐tape...du grand mouvement qui les propulse dans l'industrie, sur un pied de parfaite ├⌐galit├⌐ avec les hommes.
  12.  
  13.      En 1943, le Service national s├⌐lectif d├⌐clarait que la guerre avait ┬½fini par entra├«ner la compl├¿te ├⌐mancipation des femmes┬╗. En effet, on assistait apparemment ├á l'├⌐galisation des r├┤les de l'homme et de la femme dans la soci├⌐t├⌐. Ce ph├⌐nom├¿ne se traduisait cependant bien plus par une ┬½masculinisation┬╗ des r├┤les de la femme que par une ┬½f├⌐minisation┬╗ des r├┤les de l'homme. L'effort de guerre poussa certaines femmes dans des domaines jusque-l├á accapar├⌐s par les hommes, mais non l'inverse. Les femmes se mirent au volant des camions; les hommes n'all├¿rent pas travailler dans les garderies. La mode suivit le m├¬me cours: la femme put d├⌐sormais porter le pantalon, mais l'homme n'adopta aucun article de v├¬tement traditionnellement f├⌐minin. Beaucoup de Canadiens s'inqui├⌐taient de voir les femmes ressembler de plus en plus aux hommes. Un sondage d'opinion effectu├⌐ en 1943 r├⌐v├⌐la que l'opposition ├á l'entr├⌐e des femmes dans les forces arm├⌐es venait largement de ce qu'on craignait qu'elles n'y perdent leur f├⌐minit├⌐ et leur sens moral.
  14.  
  15. De retour au foyer et ├á la famille 
  16.  
  17.      On s'effor├ºait d'apaiser ces craintes en assurant aux femmes qui postulaient un emploi dans l'industrie de guerre que le travail qui leur serait confi├⌐ n'affecterait en rien leur f├⌐minit├⌐, mais acc├⌐l├⌐rerait certainement le retour des soldats canadiens. De m├¬me, les agents des relations publiques des forces arm├⌐es garantissaient aux recrues qu'on ne leur demanderait rien qui soit contraire ├á leur f├⌐minit├⌐, et que le fait d'├¬tre engag├⌐es dans l'arm├⌐e ne les emp├¬cherait pas de fr├⌐quenter des jeunes gens. La publicit├⌐ patriotique des grandes entreprises ├⌐tablies au pays f├⌐licitait les Canadiennes de se lancer dans des domaines non traditionnels, tout en leur promettant que l'on reviendrait ├á la normale au retour de la paix. Les planificateurs de l'apr├¿s-guerre pr├⌐voyaient eux aussi que la plupart des femmes, le conflit termin├⌐, retourneraient au foyer ou dans les secteurs d'emploi qu'elles occupaient traditionnellement. La demande d'aide domestique en provenance des milieux relativement ais├⌐s survint justement comme l'on pr├⌐disait un fort taux de ch├┤mage chez les militaires et les travailleuses de guerre licenci├⌐es; en 1944-1945, on multiplia les propositions visant ├á ├⌐lever le statut des employ├⌐es de maison.
  18.  
  19.      Tout compte fait, c'est la situation dans les forces arm├⌐es qui d├⌐montre de la mani├¿re la plus frappante le peu d'importance que l'on attribuait, apr├¿s la Seconde Guerre mondiale, ├á la pr├⌐sence des femmes dans le secteur public. On assista au cours de 1946 ├á la dissolution des trois services f├⌐minins, l'aviation retenant seule un petit noyau d'officiers d'ordonnance sous l'├⌐gide de son service m├⌐dical. Il fallut la guerre de Cor├⌐e, dans les ann├⌐es 1950, pour que l'on d├⌐cide ├á nouveau d'enr├┤ler des femmes dans les troupes r├⌐guli├¿res; l'aviation eut recours ├á cette mesure en 1951, l'arm├⌐e de terre en 1954, et finalement la marine en 1955. L'exp├⌐rience de la Seconde Guerre mondiale illustre clairement la r├¿gle du dernier engag├⌐, premier licenci├⌐, appliqu├⌐e non seulement ├á certaines femmes, mais ├á presque tout un groupe de femmes. Il apparut alors que les femmes pouvaient servir de main-d'oeuvre de r├⌐serve tout aussi bien pour les forces arm├⌐es que pour le march├⌐ civil.
  20.  
  21.      Les femmes qui avaient servi dans l'arm├⌐e canadienne ne furent pas d├⌐mobilis├⌐es sans indemnit├⌐. Elles ├⌐taient admissibles, au m├¬me titre que les hommes, ├á presque tous les ├⌐l├⌐ments du g├⌐n├⌐reux programme de r├⌐adaptation des anciens combattants. La principale diff├⌐rence venait de ce qu'elles n'avaient constitu├⌐ qu'une petite partie des forces arm├⌐es, et qu'elles se trouvaient donc bien moins nombreuses que les hommes ├á pouvoir profiter des avantages offerts.
  22.  
  23.      Beaucoup de facteurs contribu├¿rent, dans la soci├⌐t├⌐ d'apr├¿s-guerre, ├á r├⌐duire les possibilit├⌐s d'emploi pour les femmes et ├á ramener ces derni├¿res ├á des postes o├╣ elles seraient subordonn├⌐es aux hommes, et non en concurrence avec eux. Il faut compter d'abord le r├⌐tablissement de la primaut├⌐ ├⌐conomique de l'homme, et du r├┤le de l'├⌐poux comme soutien de famille. On n'assista pas seulement ├á la disparition des garderies financ├⌐es par l'├ëtat; bien des secteurs se ferm├¿rent de nouveau ├á la femme mari├⌐e. Ainsi, une circulaire de la Fonction publique dat├⌐e du 17 novembre 1945 appelait la remise en vigueur de la politique discriminatoire d'avant-guerre ├á l'endroit des femmes mari├⌐es, selon laquelle toute employ├⌐e de la Fonction publique devait remettre sa d├⌐mission au moment de son mariage. De m├¬me, les quelques femmes qui avaient appris des m├⌐tiers non traditionnels furent invit├⌐es ├á laisser la place aux hommes revenant d'outre-mer.
  24.  
  25.      Apr├¿s des ann├⌐es de lutte et d'incertitude, beaucoup de Canadiens, hommes et femmes, attendaient avec le retour de la paix, la reprise d'une vie ┬½normale┬╗.  Cette vision ne retenait rien de l'avidit├⌐ et du d├⌐sespoir qu'avait engendr├⌐s la crise ├⌐conomique. Faite plut├┤t d'agr├⌐ables souvenirs, imaginant un avenir confortable, centr├⌐ sur le foyer, elle tendait au romanesque et au conventionnel. La propagande massive de la presse et du clerg├⌐, des annonceurs d'appareils m├⌐nagers et des conseillers de placement jouait sur le besoin humain de s├⌐curit├⌐ et d'affection pour fa├ºonner ce r├¬ve suscit├⌐ par la guerre; partout l'on proclamait que la femme se devait d'abord au foyer et ├á la famille.
  26.  
  27.      ├ëtant donn├⌐ les pressions et les obstacles renouvel├⌐s qui marqu├¿rent les ann├⌐es suivant le conflit, il est difficile de d├⌐terminer pr├⌐cis├⌐ment dans quelle proportion les femmes qui avaient obtenu un emploi r├⌐mun├⌐r├⌐ pendant la guerre choisirent de le quitter d'elles-m├¬mes la paix revenue. Les ├⌐tudes de l'├⌐poque arriv├¿rent ├á des conclusions contradictoires. Sur la base de questionnaires remplis par des travailleuses de guerre et d'entrevues avec des employeurs et des sp├⌐cialistes du monde des affaires, le Sous-comit├⌐ charg├⌐ d'├⌐tudier les probl├¿mes que conna├«traient les femmes apr├¿s la guerre, cr├⌐├⌐ par le gouvernement f├⌐d├⌐ral en 1943, estima que de 45 ├á 55 pour 100 des 600 000 femmes qui ├⌐taient entr├⌐es sur le march├⌐ du travail depuis 1939 r├⌐pondraient ┬½tout naturellement ├á l'appel du mariage, du foyer et de la vie familiale┬╗, et laisseraient donc leur emploi la guerre termin├⌐e. Par contraste, une enqu├¬te men├⌐e par le minist├¿re du Travail en 1944, aupr├¿s des civils, sur les projets de 19 710 hommes et de 10 135 femmes, r├⌐v├⌐la que 28 pour 100 des femmes comptaient abandonner leur emploi apr├¿s la guerre en vue de se consacrer ├á leur foyer, mais que 72 pour 100 d'entre elles voulaient demeurer sur le march├⌐ du travail. Les revues f├⌐minines de l'├⌐poque reproduisirent les propos de certaines femmes qui se montraient peu enthousiastes ├á la perspective de renoncer ├á la formation professionnelle et aux possibilit├⌐s d'emploi que la guerre leur avait offertes. Une femme de Winnipeg qui avait servi dans les forces arm├⌐es ├⌐crivit dans le Canadian Home Journal, en avril 1945, qu'on ne pouvait pas plus renvoyer les femmes au foyer que ┬½remettre un poussin dans sa coquille┬╗; cela, expliquait-elle, ┬½ne peut se faire sans d├⌐truire l'├óme, le coeur ou l'esprit┬╗. Toutefois, la femme dont la lettre remporta les honneurs du concours organis├⌐ par le National Home Monthly, en 1945, sur le sujet ┬½S'il y a un emploi pour vous dans l'industrie ├á la fin de la guerre, le voulez-vous?┬╗ exprimait une pr├⌐f├⌐rence tr├¿s nette pour la vie au foyer. ┬½J'aimerais que l'on sache bien une chose,┬╗ ├⌐crivait-elle, ┬½c'est que je n'ai pas l'impression de me sacrifier pour tenir la maison. J'ai toujours voulu par-dessus tout un mari et un foyer ├á moi.┬╗
  28.  
  29.      Les restrictions impos├⌐es apr├¿s la guerre ├á l'emploi r├⌐mun├⌐r├⌐ des femmes et les efforts d├⌐ploy├⌐s pour les convaincre de retourner au foyer produisirent l'effet escompt├⌐. La proportion des femmes sur le march├⌐ du travail, qui ├⌐tait pass├⌐e de 24,4 pour 100 en 1939 ├á un sommet de 33,5 pour 100 en 1944, commen├ºa ├á descendre en 1945 et d├⌐gringola l'ann├⌐e suivante pour n'atteindre plus alors que 25,3 pour 100. Elle fut ├á son point le plus bas en 1954: 23,6 pour 100 (il fallut attendre 1966 pour qu'elle revienne ├á son niveau de 1945).
  30.  
  31.      Pouvons-nous dire que la guerre ┬½├⌐mancipa┬╗ les femmes ou ├⌐leva leur statut? Cela para├«t douteux, si par ces termes nous entendons une r├⌐organisation de la soci├⌐t├⌐ qui instaure un partage vraiment ├⌐gal des pouvoirs et des responsabilit├⌐s entre hommes et femmes, dans les sph├¿res publique et priv├⌐e. L'accroissement des possibilit├⌐s d'emploi offertes aux femmes, pendant la guerre, n'avait pas pour cause la reconnaissance de leur droit au travail; seulement, en cette p├⌐riode critique o├╣ se faisait sentir une s├⌐rieuse p├⌐nurie de main-d'oeuvre, les femmes constituaient une r├⌐serve pratique, tant pour l'industrie que pour la Fonction publique. M├¬me lorsqu'elles avaient l'occasion de gravir les ├⌐chelons de l'entreprise priv├⌐e ou des forces arm├⌐es, les femmes ne se voyaient confier dans l'ensemble que des t├óches appartenant ├á des domaines qui leur ├⌐taient d├⌐j├á r├⌐serv├⌐s, o├╣ elles ne risquaient pas d'entrer en concurrence avec les hommes.
  32.  
  33.      La r├¿gle quasi sacro-sainte voulant que les femmes soient exclues ou exempt├⌐es du combat fut respect├⌐e par-dessus tout, et nul ne contesta aux hommes le monopole du port des armes. Sans doute les femmes furent-elles admises dans l'arm├⌐e; elles purent exercer dans le monde civil des fonctions traditionnellement remplies par des hommes, comme la conduite de machines lourdes, ou faire leur entr├⌐e dans des secteurs qui auparavant leur ├⌐taient ferm├⌐s, comme la construction navale; cependant, on imposait toujours ├á leur activit├⌐ un cadre soigneusement d├⌐limit├⌐.
  34.  
  35.      De fait, c'est par le travail b├⌐n├⌐vole, domaine traditionnellement f├⌐minin, que la plupart des femmes apport├¿rent leur contribution ├á l'effort de guerre. Elles trouv├¿rent amplement, dans ce vaste champ d'activit├⌐, l'occasion de mettre ├á profit leurs remarquables aptitudes pour l'organisation et l'administration. Dans la Fonction publique, toutefois, si ├⌐lev├⌐ que f├╗t le poste occup├⌐ par une femme, il se trouvait toujours au-dessus d'elle un homme, sinon toute une hi├⌐rarchie de sup├⌐rieurs. La pr├⌐sence des femmes dans les secteurs du soutien et des services ├⌐tait certes indispensable, mais la conduite de la guerre n'en demeurait pas moins entres les mains d'une ├⌐lite masculine.
  36.  
  37.      La mobilisation des femmes pour l'effort de guerre constitue dans une large mesure un exemple de manipulation par l'├ëtat. La propagande patriotique joua un r├┤le dans le recrutement, tout comme les adoucissements fiscaux accord├⌐s aux travailleuses mari├⌐es et le financement, par l'├ëtat, de garderies destin├⌐es aux enfants dont la m├¿re travaillait dans l'industrie de guerre. On reconnaissait bien s├╗r l'utilit├⌐ d'une main-d'oeuvre f├⌐minine bon march├⌐ dans le secteur public, mais l'├ëtat comme la soci├⌐t├⌐ demeuraient convaincus que la femme avait pour premi├¿re fonction de mettre au monde et d'├⌐lever la prochaine g├⌐n├⌐ration, de tenir la maison et de cr├⌐er un foyer pour l'homme au travail. Ce n'est qu'en vue de l'effort de guerre et pour la dur├⌐e du conflit que l'├ëtat dispos├⌐ ├á financer des programmes all├⌐geant les responsabilit├⌐s domestiques des femmes qui avaient besoin d'un salaire ou qui souhaitaient simplement travailler ├á l'ext├⌐rieur. La paix revenue, le gouvernement et l'industrie mirent fin ├á ces programmes ou en r├⌐duisirent consid├⌐rablement le budget. Les obstacles ├á l'entr├⌐e des femmes mari├⌐es dans le monde du travail, lev├⌐s pendant la guerre, r├⌐apparurent dans de nombreux secteurs.
  38.  
  39.      La grave p├⌐nurie de main-d'oeuvre que la guerre avait entra├«n├⌐e se r├⌐gla d'elle-m├¬me avec la d├⌐mobilisation. Les ex-militaires avaient la priorit├⌐ dans l'emploi. Le retour d'un surplus de main-d'oeuvre et la co├»ncidence de l'explosion d├⌐mographique avec la fermeture des garderies financ├⌐es par l'├ëtat incit├¿rent la femme mari├⌐e dont l'├⌐poux avait un emploi ├á se consacrer ├á son r├┤le de m├¿re et de ma├«tresse de maison. La publicit├⌐ ├á grande ├⌐chelle invitait ├á la consommation de produits domestiques et peignait sous un ├⌐clairage romanesque le r├┤le de la femme comme gardienne naturelle du foyer. On am├⌐liora le r├⌐gime d'allocations familiales de fa├ºon que la m├¿re de famille pauvre n'ait pas ├á travailler ├á l'ext├⌐rieur. Cet ensemble de circonstances contribua ├⌐galement ├á persuader les jeunes femmes c├⌐libataires de se chercher un mari plut├┤t que de se pr├⌐parer ├á exercer une profession ou un m├⌐tier ├á plein temps.
  40.  
  41.      Devant les bouleversements provoqu├⌐s par la guerre, beaucoup de Canadiens, hommes et femmes, d├⌐siraient avec ardeur le retour ├á la stabilit├⌐, au sanctuaire du foyer. On estimait qu'il revenait ├á la femme de faire du foyer un havre de paix; cet objectif, cependant, ne convenait pas ├á chacune. Tout d'abord, la guerre avait enlev├⌐ ├á beaucoup de femmes l'homme qui ├⌐tait ou allait ├¬tre leur mari, et pr├¿s de 50 000 militaires canadiens avaient ├⌐pous├⌐ des ├⌐trang├¿res. Ensuite, lorsque reprit la production de biens de consommation, beaucoup de femmes mari├⌐es eurent besoin d'un revenu additionnel pour se procurer meubles et appareils m├⌐nagers.
  42.  
  43.      La mobilisation massive des femmes pendant les ann├⌐es du conflit n'avait pas fait grand-chose pour leur assurer dans l'ensemble une place plus ├⌐quitable dans la soci├⌐t├⌐ d'apr├¿s-guerre, ou pour adapter l'├⌐conomie canadienne aux besoins de la c├⌐libataire d'un certain ├óge, ├á ceux de l'├⌐pouse ou de la m├¿re abandonn├⌐es, ou encore de la femme dont le mari gagnait trop peu. L'assurance-ch├┤mage, institu├⌐e au Canada en 1940, allait prot├⌐ger un certain nombre de femmes entr├⌐es sur le march├⌐ du travail, et quelques anciennes militaires, comme Judy LaMarsh, qui avait servi dans le CWAC, tireraient profit des allocations d'├⌐tudes accord├⌐es aux anciens combattants pour se lancer dans une carri├¿re prometteuse; cependant, la grande majorit├⌐ des femmes au travail continueraient d'├¬tre drain├⌐es vers les ghettos des emplois auxiliaires et mal r├⌐mun├⌐r├⌐s. Les changements de cap survenus pendant la guerre avaient laiss├⌐ intacte, ou m├¬me avaient renforc├⌐, l'image de l'homme comme chef et principal soutien de famille; le sentiment d'une dette contract├⌐e par la soci├⌐t├⌐ envers le combattant, qui chassa les femmes des secteurs non traditionnels, consolida encore la primaut├⌐ ├⌐conomique du m├óle. La guerre n'avait pas entam├⌐ le principe d'une division du travail fond├⌐e sur le sexe, ni celui de l'autorit├⌐ de l'homme sur la femme. Le f├⌐minisme avait vis├⌐ notamment ├á l'├⌐galit├⌐: ├⌐galit├⌐ des droits et des devoirs, des possibilit├⌐s et des pouvoirs; les quelques f├⌐ministes qui s'├⌐taient fait entendre au Canada pendant la guerre avaient salu├⌐ avec espoir le mouvement qui semblait alors se dessiner. Sans doute pouvait-on se f├⌐liciter que les femmes du Qu├⌐bec aient enfin obtenu en 1940 le droit de vote aux ├⌐lections provinciales. Pour ce qui regarde la plupart des autres aspects de la vie publique, toutefois, la soci├⌐t├⌐ d'apr├¿s-guerre trompa les attentes des f├⌐ministes. Certaines femmes avaient acquis par leur travail de guerre une nouvelle assurance et une nouvelle vision d'elles-m├¬mes; beaucoup cependant devraient confiner leurs aspirations au r├┤le plus traditionnel qui leur ├⌐tait d├⌐volu dans le monde du plastique et de la p├⌐nicilline, des livres de poche et des aliments congel├⌐s. Par ailleurs, la contribution des femmes ├á l'effort de guerre, dont on avait fait grand cas lorsqu'on manquait de main-d'oeuvre, glissa tranquillement dans l'oubli, o├╣ elle demeura de longues ann├⌐es.
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