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/ Canadas Visual History / Canadas_Visual_History_CD-ROM_1996_WIN31-95.iso / mac / SHARED.DIR / 01045_Field_V72FB.txt < prev    next >
Text File  |  1996-08-11  |  29KB  |  44 lines

  1.      Dans la premi├¿re moiti├⌐ du XVIIIe si├¿cle, les Cris et les Assiniboines de la r├⌐gion de la rivi├¿re Saskatchewan jouaient un r├┤le utile d'interm├⌐diaires dans la traite des fourrures. Ce r├┤le s'appliquait surtout aux activit├⌐s commerciales des bandes des hautes-terres. Au d├⌐but du printemps, ces Am├⌐rindiens traiteurs quittaient leurs terres d'hivernage des for├¬ts-parcs (prairies bois├⌐es) pour gagner le bord des rivi├¿res o├╣ ils fabriquaient leurs canots et se livraient ├á la traite des fourrures avec les bandes de trappeurs avoisinantes. Des fusils que les Cris avaient achet├⌐s l'├⌐t├⌐ pr├⌐c├⌐dent ├á York Factory au prix de douze plues et qu'ils avaient utilis├⌐s durant tout l'hiver furent vendus ├á un prix variant entre 24 et 30 plues. (Le plue ├⌐tait la monnaie en usage dans le territoire de traite de la baie d'Hudson o├╣ toutes les fourrures ├⌐taient ├⌐valu├⌐es par rapport ├á une fourrure de castor adulte de premi├¿re qualit├⌐.) D'autres articles ├⌐taient vendus avec des marges b├⌐n├⌐ficiaires semblables. Apr├¿s la d├⌐b├ócle des rivi├¿res, les chefs de traite rassemblaient leurs partisans pour se rendre ├á York Factory. Laissant la plupart des femmes et des enfants pr├¿s des lacs de p├¬che au nord de la rivi├¿re Saskatchewan-Nord, les bandes descendaient la rivi├¿re en direction du poste. Elles arrivaient souvent ├á moiti├⌐ affam├⌐es entre la troisi├¿me semaine de juin et la deuxi├¿me semaine de juillet pour un s├⌐jour qui pouvait durer jusqu'├á deux semaines. Leur arriv├⌐e ├⌐tait marqu├⌐e par des salves d'honneur, des discours de bienvenue et des ├⌐changes de cadeaux. Apr├¿s deux ou trois jours de festivit├⌐s o├╣ l'on mangeait et buvait aux frais de la Compagnie de la baie d'Hudson, la traite d├⌐butait. Les Am├⌐rindiens faisaient passer les fourrures par le guichet du magasin de traite et recevaient des biens en retour. Le chef de traite restait souvent dans la salle de traite pour confirmer ├á ses hommes que la Compagnie respectait les conditions convenues lors des discours de bienvenue. Le grand march├⌐ annuel se terminait par d'autres discours et d'autres dons de nourriture et de boissons aux Am├⌐rindiens. De retour ├á leurs terres ├á la fin de l'├⌐t├⌐ ou au d├⌐but de l'automne, ils abandonnaient leurs canots -- ├⌐corce ne r├⌐sistait pas au gel -- recueillaient leurs familles et repartaient vers le sud pour chasser le bison. ├Ç l'approche de l'hiver, les bisons quittaient la prairie pour la for├¬t-parc (prairie bois├⌐e) o├╣ les Am├⌐rindiens traiteurs les chassaient jusqu'├á ce que l'arriv├⌐e du printemps sonn├ót l'heure des pr├⌐paratifs pour un autre voyage ├á York Factory.
  2.  
  3.      Un petit nombre d'Am├⌐rindiens cris s'├⌐tablirent dans les r├⌐gions c├┤ti├¿res, pr├¿s des comptoirs de la baie d'Hudson, o├╣ ├á cause de leur r├┤le ils furent connus sous le nom d'Am├⌐rindiens ┬½Homeguard┬╗. Ils effectuaient jusqu'├á quatre ou cinq voyages au poste par ann├⌐e. Ils fournissaient non seulement des fourrures de petits animaux tels que p├⌐kans, martres et visons, mais aussi de la viande, du cuir, des plumes et d'autres produits de la nature et servaient de guides et de messagers du poste. Comme les alentours du poste ├⌐taient des plus inhospitaliers, la vie des Homeguards n'├⌐tait pas sans danger. L'exercice de leurs diverses activit├⌐s les exposait souvent ├á la famine et si le poste n'├⌐tait pas pr├⌐venu de leur situation, le groupe entier risquait de p├⌐rir. Cela dit, la vie des Cris homeguards avait ses bons c├┤t├⌐s. Ils consommaient par t├¬te plus de denr├⌐es de traite que les Am├⌐rindiens trappeurs ou traiteurs. Leurs fonctions leur assuraient un approvisionnement de produits europ├⌐ens sans ├⌐gal dans le commerce des fourrures.
  4.  
  5.      Les diverses activit├⌐s des Am├⌐rindiens refl├⌐t├⌐es par les trois grandes fonctions li├⌐es ├á la traite, c'est-├á-dire celles de trappeur, d'interm├⌐diaire et de ┬½Homeguard┬╗, permettaient ├á la Compagnie de diriger son commerce ├á partir des comptoirs c├┤tiers. Les Am├⌐rindiens traiteurs se r├⌐v├⌐l├¿rent d├⌐sireux et capables d'affronter les probl├¿mes et les d├⌐penses li├⌐s au transfert des fourrures et des denr├⌐es entre les trappeurs am├⌐rindiens et les traiteurs de la Compagnie. Les voyages que firent ├á l'int├⌐rieur des terres Henry Kelsey en 1691-92, William Stewart en 1717-18, Anthony Henday en 1754-55, Samuel Hearne en 1777-78 et d'autres n'├⌐taient pas de nature commerciale. Ces exp├⌐ditions visaient ├á obtenir des informations et ├á ├⌐tablir des contacts avec les bandes d'Am├⌐rindiens plus ├⌐loign├⌐es pour les encourager ├á affronter les difficult├⌐s du voyage aux comptoirs c├┤tiers.
  6.  
  7.      Depuis la fondation de la Compagnie de la baie d'Hudson jusqu'├á la chute de la Nouvelle-France en 1763, les Fran├ºais constitu├¿rent la principale menace aux succ├¿s de la Compagnie. Durant le premier quart du si├¿cle, les Fran├ºais lutt├¿rent farouchement contre la pr├⌐sence de la Compagnie sur les rives de la baie d'Hudson. De nombreux combats illustr├¿rent la grande ma├«trise tactique des Fran├ºais dans la guerre qu'ils livraient ├á la Compagnie sur terre et sur mer. Cependant, ni la France ni la Nouvelle-France ne pouvaient d├⌐cider si leurs int├⌐r├¬ts justifiaient le temps, les efforts et les d├⌐penses mis en oeuvre pour chasser la Compagnie de ses postes. Les difficult├⌐s de la navigation dans l'Arctique jointes ├á l'importance n├⌐gligeable des pelleteries de la baie d'Hudson dans le d├⌐veloppement ├⌐conomique de la France engendr├¿rent dans la m├¿re patrie un manque d'en- thousiasme flagrant pour les aventures dans l'Arctique. En Nouvelle-France, la coterie des entrepreneurs influents s'int├⌐ressait davantage au commerce du castor sec vers le sud-ouest, dans les terres de l'Illinois et au-del├á. M├¬me les marchands en vue comme Charles Aubert de la Chesnaye et Charles Le Moyne, qui pr├┤naient une expansion en direction du nord-ouest, craignaient qu'une d├⌐faite de la Compagnie de la baie d'Hudson n'entra├«n├ót un exc├¿s de castors gras d'hiver sur le march├⌐ et ne cr├⌐├ót ainsi un probl├¿me de sur-approvisionnement dont souffrait d├⌐j├á la traite du castor sec. Cette ind├⌐cision en mati├¿re de strat├⌐gie emp├¬cha les Fran├ºais de donner suite ├á leurs succ├¿s tactiques pour obtenir des r├⌐sultats durables et permit ├á la Compagnie de surmonter de nombreux ├⌐checs avant que le trait├⌐ d'Utrecht ne r├⌐tabl├«t tous ses postes en 1713. Le conflit avec la France amena la Compagnie ├á renforcer la d├⌐fense de ses comptoirs c├┤tiers et cette initiative, jointe ├á l'acceptation, par les Am├⌐rindiens traiteurs, d'assumer les frais de transport, aboutit ├á la cr├⌐ation du syst├¿me de traite bas├⌐ sur les comptoirs c├┤tiers. Les censeurs de la Compagnie appel├¿rent cette politique ┬½le sommeil au bord de la mer de glace┬╗.
  8.  
  9.      Pour r├⌐gler les rapports sociaux entre les employ├⌐s des postes de traite de la Compagnie, les directeurs de celle-ci et les employ├⌐s eux-m├¬mes s'inspir├¿rent des coutumes, des usages et des lois de la tradition navale britannique du d├⌐but de l'├¿re historique moderne. Inspir├⌐es de la hi├⌐rarchie et du sch├⌐ma d'autorit├⌐ en usage dans les familles britanniques de l'├⌐poque, ces traditions navales ├⌐taient appliqu├⌐es ├á une soci├⌐t├⌐ compos├⌐e exclusivement d'adultes m├óles. Si la Compagnie, ses agents et ses engag├⌐s s'inspiraient de l'exemple britannique, les circonstances particuli├¿res aux comptoirs c├┤tiers de la baie d'Hudson exigeaient des adaptations. Cela dit, les traditions associ├⌐es ├á la hi├⌐rarchie sociale et au r├⌐gime d'autorit├⌐ semblaient fonctionner dans le contexte du Nouveau Monde. Les hommes adultes fondaient leurs rapports r├⌐ciproques sur les responsabilit├⌐s et les privil├¿ges associ├⌐s au rang de chacun. Toutefois, la condition sociale n'├⌐tait pas le seul facteur qui d├⌐terminait la place de chacun; le m├⌐rite permettait ├á bon nombre de monter en grade. Au cours du XVIIIe si├¿cle, la plupart des agents ├⌐taient recrut├⌐s parmi les hommes de m├⌐tier. Le comportement de mise ├⌐tait model├⌐ sur l'id├⌐al de ┬½l'homme d'importance┬╗. Le personnage qui dominait la hi├⌐rarchie sociale des ┬½hommes d'importance┬╗ dans le poste de traite ├⌐tait le gouverneur du poste, c'est-├á-dire l'agent principal. Ses pr├⌐rogatives lui donnaient droit ├á des aliments, des boissons, des v├¬tements plus abondants et de meilleure qualit├⌐ ainsi qu'├á un logement plus confortable. Il avait pour responsabilit├⌐ d'assurer non seulement la rentabilit├⌐ du commerce des fourrures, mais le bien-├¬tre des employ├⌐s du comptoir et des bandes environnantes d'Am├⌐rindiens homeguards. Son maintien et son mode de vie devinrent les symboles m├¬mes de la grande vie au poste de traite. M├¬me les Cris homeguards lui d├⌐cern├¿rent le titre d'┬½Uckimow┬╗, c'est-├á-dire patriarche.
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  11.      Officiellement, la Compagnie de la baie d'Hudson interdisait toute fraternisation avec les Am├⌐rindiens, sauf dans le cas des agents ├á l'├⌐poque de la traite. Cette r├¿gle avait un double but : emp├¬cher quiconque de commercer ├á titre personnel et ├⌐viter des incidents d├⌐plorables qui pourraient perturber le commerce paisible des fourrures. Plut├┤t que de suivre la directive de la Compagnie en cette mati├¿re, les habitants du poste de traite semblent avoir fond├⌐ leurs relations avec les Cris homeguards sur les coutumes en usage dans la marine de Grande-Bretagne. Dans le poste de traite, seul le gouverneur ou l'agent principal ├⌐tait autoris├⌐ ├á ├⌐pouser une Am├⌐rindienne ┬½├á la mode du pays┬╗. Les autres agents et les engag├⌐s cherchant ├á ├⌐tablir des liens familiaux sur la terre de Rupert ne pouvaient le faire qu'au sein des bandes de Cris homeguards. Ceux-ci pouvaient accepter ce type d'arrangement, car ils comprenaient l'importance d'avoir dans le poste de traite un parent ayant acc├¿s au magasin. Par ailleurs, les agents et engag├⌐s qui avaient une famille dans ces bandes cries install├⌐es dans les environs comptaient sur leurs parents masculins adultes pour veiller aux int├⌐r├¬ts de leur famille durant les longues p├⌐riodes o├╣ ils ne pouvaient quitter les postes de traite. Lorsque l'agent ou l'engag├⌐ prenait sa retraite, il ne pouvait ni rejoindre sa famille ni regagner avec elle la Grande-Bretagne. L'un des r├⌐sultats remarquables de cette situation fut que, au cours du si├¿cle s'├⌐tendant de 1670 ├á 1770, les Cris homeguards en vinrent ├á former, tout en conservant leurs caract├¿res culturels, une population biologiquement m├⌐lang├⌐e.
  12.  
  13.      En d├⌐pit de la concurrence efficace des Fran├ºais ├á l'int├⌐rieur des terres, la Compagnie de la baie d'Hudson continua de pratiquer la traite en se cantonnant dans ses comptoirs c├┤tiers. Avec les m├⌐thodes emprunt├⌐es aux traditions du coureur de bois du si├¿cle pr├⌐c├⌐dent, les traiteurs canadiens se r├⌐pandirent dans la r├⌐gion situ├⌐e au nord des Grands Lacs. Des groupes en d├⌐rouine rendaient visite aux bandes am├⌐rindiennes sur les lieux de chasse et de pi├⌐geage, leur pr├⌐sentant un choix d'articles de commerce dont ils avaient besoin. Pourtant, la Compagnie de la baie d'Hudson mit du temps ├á r├⌐agir. Elle n'abandonna sa politique, vieille d'un si├¿cle, que lorsqu'elle s'aper├ºut que les avantages qu'elle tirait des co├╗ts de transport moins ├⌐lev├⌐s ne lui permettaient pas de lutter avec succ├¿s contre ses concurrents dont la base d'op├⌐rations ├⌐tait le territoire Saint-Laurent-Grands Lacs.
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  15. Le syst├¿me commercial du Saint-Laurent et des Grands Lacs de 1665 ├á 1763 
  16.  
  17.      Dans les ann├⌐es 1660, le gouvernement fran├ºais changea de ligne de conduite ├á l'├⌐gard de la traite des fourrures : jusque l├á entreprise surtout commerciale, celle-ci devint un instrument d'expansion imp├⌐riale. Parce que la fa├ºon de pratiquer la traite des fourrures, par l'interm├⌐diaire des marchands locaux et des agents du gouvernement, s'harmonisait admirablement avec l'id├⌐e que se faisaient les Am├⌐rindiens de leurs propres int├⌐r├¬ts politiques et ├⌐conomiques, les Fran├ºais remport├¿rent de grands succ├¿s. Du point de vue d'un Europ├⌐en de l'Ouest, le syst├¿me mis en place pour la traite des fourrures dans le territoire Saint-Laurent-Grands Lacs permettait aux Fran├ºais de dominer l'int├⌐rieur du continent et de prot├⌐ger en m├¬me temps les jeunes colonies de la Nouvelle-France contre la force expansionniste des colonies anglo-am├⌐ricaines, plus peupl├⌐es, du Sud. La traite des fourrures joua ├⌐galement un r├┤le important dans l'├⌐mergence du ┬½Canadien┬╗, qui se distinguait culturellement du ┬½Fran├ºais┬╗ en Am├⌐rique du Nord.
  18.  
  19.      Au d├⌐but, le gouvernement du Roi voyait dans la traite des fourrures la principale raison de la vuln├⌐rabilit├⌐ de la colonie devant les attaques des Iroquois. Comme un grand nombre de jeunes hommes quittaient la colonie pour chercher fortune dans la traite des fourrures ├á l'int├⌐rieur des terres, la Nouvelle-France ├⌐tait priv├⌐e des bases socio-├⌐conomiques n├⌐cessaires pour r├⌐sister avec succ├¿s aux attaques. Le gouvernement du Roi adopta une politique de rassemblement, restreignant l'acc├¿s ├á l'int├⌐rieur des terres et favorisant la diversification ├⌐conomique et la croissance d├⌐mographique.
  20.  
  21.      Les int├⌐r├¬ts personnels des marchands se livrant ├á la traite des fourrures ne concordaient pas avec la politique de peuplement sur un territoire r├⌐duit. Le syst├¿me des cong├⌐s de traite donna rapidement lieu ├á des abus; les marchands et les fonctionnaires s'associaient pour tourner, ├á leur profit, les ordres du gouvernement du Roi. On en trouve un exemple particuli├¿rement frappant dans le cas de l'entreprise commune ├á laquelle participaient le gouverneur (le comte de Frontenac) et le marchand-aventurier Ren├⌐-Robert Cavelier de La Salle. De telles associations contribu├¿rent ├á l'arriv├⌐e d'un nombre de plus en plus grand de castors secs dans les magasins des Fran├ºais, amenant ainsi l'effondrement temporaire du commerce des peaux de castor en 1696. Toutefois, les agents locaux et les marchands canadiens r├⌐ussirent, en tournant la politique officielle, ├á maintenir le syst├¿me des alliances conclues en vue de la traite des fourrures et dont Montr├⌐al ├⌐tait le pivot et purent continuer ├á faire du syst├¿me commercial du Saint-Laurent et des Grands Lacs un instrument de la politique fran├ºaise. Lorsque, en 1701, le gouvernement du Roi abandonna sa politique traditionnelle pour une autre destin├⌐e ├á restreindre l'action des Anglais aux r├⌐gions bois├⌐es de la c├┤te atlantique et aux rives de la baie d'Hudson, le syst├¿me commercial du Saint-Laurent et des Grands Lacs se r├⌐v├⌐la propre ├á favoriser cette politique.
  22.  
  23.      Des probl├¿mes de logistique limit├¿rent l'expansion des Fran├ºais dans le Nord-Ouest ├á la r├⌐gion de la T├¬te des lacs (lac Sup├⌐rieur). Les provisions de ma├»s et de porc sal├⌐ destin├⌐es aux voyageurs vinrent ├á manquer dans la r├⌐gion du lac Sup├⌐rieur et les ├⌐quipages des canots, ├á court de temps, ne pouvaient chasser pour se nourrir. C'est Pierre Gaultier de Varennes, sieur de La V├⌐rendrye, commandant de poste du nord ├á Fort Kaministiquia de 1729 ├á 1743, qui trouva la solution. Avec l'aide du gouvernement du Roi, acquis ├á l'exploration de la route vers la Mer de l'Ouest, il construisit, ├á partir de la T├¬te des lacs, une cha├«ne de postes allant vers l'ouest par les voies navigables, en passant par le lac ├á la Pluie et le lac des Bois jusqu'├á la rivi├¿re Winnipeg et au lac Winnipeg. Ces postes recevaient les fourrures apport├⌐es par les bandes des environs, mais ils favorisaient aussi le commerce des denr├⌐es comestibles. Le riz sauvage de la r├⌐gion convenait admirablement bien aux besoins du commerce des fourrures; r├⌐colt├⌐ par les Am├⌐rindiens ├á l'automne, il pouvait ├¬tre facilement entrepos├⌐ et transport├⌐. On faisait aussi le commerce de la viande et du poisson s├⌐ch├⌐ et, dans chaque poste, on s'employait activement au jardinage. La r├⌐ussite qui couronna les efforts de La V├⌐rendrye pour r├⌐gler le probl├¿me de la logistique rendit possible l'expansion du syst├¿me commer- cial du Saint-Laurent et des Grands Lacs jusqu'aux Prairies. Le voyage qui l'amena par la suite dans les villages agricoles des Mandans ├⌐tablis le long du Missouri fut un ├⌐chec, qu'il s'agisse de la traite des fourrures ou de la recherche de la Mer de l'Ouest. Ses successeurs tourn├¿rent leurs efforts vers la Saskatchewan, o├╣ la possibilit├⌐, sinon de d├⌐couvrir la Mer de l'Ouest, du moins d'obtenir des fourrures de qualit├⌐, ├⌐tait plus ├⌐vidente.
  24.  
  25.      Le succ├¿s obtenu par le syst├¿me commercial du Saint-Laurent et des Grands Lacs du c├┤t├⌐ de la Saskatchewan tenait ├á une politique contraire ├á celle de la Compagnie de la baie d'Hudson. Plut├┤t que de laisser aux Am├⌐rindiens le soin d'apporter les fourrures aux d├⌐p├┤ts c├┤tiers, les n├⌐gociants canadiens, fid├¿les en cela au syst├¿me de traite existant depuis la destruction de la Huronie, formaient de petits groupes partant en d├⌐rouine commercer avec les Am├⌐rindiens. Ces groupes rassemblaient les fourrures dans des centres, d'o├╣ ils les transportaient, avec leurs engag├⌐s, jusqu'├á Montr├⌐al. Ce syst├¿me entra├«nait des risques et des frais importants. C'est pourquoi les traiteurs canadiens s'int├⌐ressaient surtout aux fourrures peu volumineuses et de grande valeur, n├⌐gligeant les fourrures d'ours et de loup, ainsi que les peaux d'orignal et de bison. Le canot du nord, qui rempla├ºa le canot du ma├«tre sur les eaux nordiques, avait une contenance inf├⌐rieure de moiti├⌐ ├á celle du second, de sorte que les traiteurs canadiens ne pouvaient offrir ni le nombre ni la vari├⌐t├⌐ d'articles qu'on pouvait trouver dans les postes c├┤tiers de la Compagnie de la baie d'Hudson. Pourtant, m├¬me s'ils devaient payer des prix plus ├⌐lev├⌐s, les Am├⌐rindiens de l'int├⌐rieur accueillaient manifestement avec plaisir les traiteurs canadiens. Le commerce de la Compagnie de la baie d'Hudson ├á York Factory diminua imm├⌐diatement des deux cinqui├¿mes et, en peu de temps, de plus de la moiti├⌐. Les consid├⌐rations pratiques constituaient un facteur d├⌐terminant en mati├¿re de traite chez les Am├⌐rindiens de l'int├⌐rieur.
  26.  
  27.      Nul doute que certaines des familles de Cris et d'Assiniboines pratiquant la traite avaient certaines craintes concernant la pr├⌐sence des traiteurs de la Nouvelle France, pr├⌐sence qui offrait certains avantages, mais qui r├⌐duisait l'utilit├⌐ des grands chefs, en permettant aux chefs de bandes de n├⌐gocier eux-m├¬mes. Certains grands chefs continu├¿rent ├á jouer leur r├┤le traditionnel en apportant les fourrures qui n'├⌐taient d'aucune utilit├⌐ pour les Canadiens aux postes c├┤tiers de la Compagnie de la baie d'Hudson. Toutefois, d'autres, abandonnant la traite, se tourn├¿rent vers les plaines et l'exploitation, tout au long de l'ann├⌐e, du bison. L'├⌐volution culturelle de certains Cris et Assiniboines vers un mode de vie ax├⌐ sur les ┬½plaines┬╗, s'accomplit lentement au cours du demi-si├¿cle s'├⌐tendant de 1730 ├á 1780. Contrairement aux Montagnais, un si├¿cle plus t├┤t, ils continu├¿rent de jouer un r├┤le d'interm├⌐diaire, non pas dans le commerce, mais au sein des alliances politico-militaires, en emp├¬chant leurs ennemis et en permettant ├á leurs amis d'avoir acc├¿s au mat├⌐riel de guerre apport├⌐ par les Europ├⌐ens de l'Ouest. Lorsque les Cris et les Assiniboines se tourn├¿rent vers l'exploitation permanente des troupeaux de bison, leurs int├⌐r├¬ts s'oppos├¿rent ├á ceux de la Conf├⌐d├⌐ration des Pieds-Noirs. Les Pieds-Noirs commen├ºaient ├á se procurer des chevaux aupr├¿s des populations du Sud-Ouest et ils ├⌐taient harcel├⌐s par les Cris et les Assiniboines, mieux arm├⌐s, qui d├⌐siraient aussi acqu├⌐rir cet animal, moyen technique sup├⌐rieur pour exploiter les troupeaux de bisons. Pour y parvenir, les Cris et les Assiniboines s'efforc├¿rent de contr├┤ler la circulation du mat├⌐riel de guerre provenant des postes de traite.
  28.  
  29.      Le r├┤le de l'interm├⌐diaire commercial et culturel fut un ├⌐l├⌐ment d├⌐cisif du succ├¿s remport├⌐ par les traiteurs des Grands Lacs et du Saint-Laurent. Avec l'expansion de la traite dans les Prairies, diverses personnes remplirent ce r├┤le, qui avait ├⌐t├⌐ celui du coureur de bois. Pour r├⌐ussir, l'interm├⌐diaire devait poss├⌐der l'am├⌐nit├⌐ du diplomate, le sens de la mise en sc├¿ne de l'artiste, la curiosit├⌐ de l'aventurier et l'instinct de survie de l'homme politique. Dans nombre de cas, les chefs am├⌐rindiens pratiquant la traite avaient accompli ce r├┤le d'une mani├¿re admirable et allaient continuer de le faire. Certains bourgeois avaient acquis ces qualit├⌐s en remplissant les fonctions de commis dans leur jeunesse et en dirigeant des groupes en d├⌐rouine. Cette activit├⌐ constituait le r├┤le par excellence du coureur de bois. On trouvait parmi les engag├⌐s ceux qui voulaient ├¬tre ┬½leur propre patron┬╗ tout en continuant ├á faire la traite des fourrures. Ces ┬½gens du libre┬╗, ├⌐pousaient des Am├⌐rindiennes et faisaient souvent fonction d'interm├⌐diaires dans les relations avec les parents de leur femme. Les traiteurs canadiens et les Am├⌐rindiens respectaient ceux qui remplissaient cette fonction de coureur de bois. Pour un commis ambitieux, c'├⌐tait l'occasion d'acqu├⌐rir l'exp├⌐rience et d'├⌐tablir les contacts avec les Am├⌐rindiens et les traiteurs qui ouvraient la voie vers une carri├¿re profitable de bourgeois au sein de la communaut├⌐ canadienne. Gr├óce au r├┤le qu'ils jouaient, les gens du libre obtenaient souvent de meilleurs prix pour les articles qu'ils ├⌐changeaient au poste de traite. Lorsqu'ils vivaient parmi les Am├⌐rindiens, ils obtenaient une part de leurs biens et un haut rang au sein de leurs conseils. Cette situation permit ├á certaines gens du libre de passer ais├⌐ment du monde socio-culturel de l'Am├⌐rindien ├á celui du Canadien et vice-versa, ce ├á quoi beaucoup ne pouvaient aspirer, qui ├⌐taient li├⌐s ├á une seule culture.
  30.  
  31.      Les ├⌐v├⌐nements qui se produisirent en Europe au milieu du XVIIIe si├¿cle et auxquels firent ├⌐cho en Am├⌐rique du Nord les combats entre arm├⌐es classiques, marqu├¿rent la fin de la domination des Fran├ºais sur l'int├⌐rieur de l'Am├⌐rique du Nord. Le d├⌐roulement de la guerre de Sept Ans en Am├⌐rique du Nord r├⌐duisit ├á peu de choses la circulation des articles de commerce vers le pays d'en-haut, au nord-ouest de la T├¬te des lacs. Avant m├¬me la bataille des plaines d'Abraham en 1759, la Compagnie de la baie d'Hudson croyait que les ├⌐v├⌐nements justifiaient son syst├¿me, vieux d'un si├¿cle, ax├⌐ sur les ├⌐tablissements c├┤tiers. Malgr├⌐ les critiques formul├⌐es contre sa politique d'immobilisme, la Compagnie croyait que, avec la chute de Qu├⌐bec et la fin de la menace ┬½fran├ºaise┬╗, elle pourrait suivre sa ligne de conduite traditionnelle pendant encore cent ans. Dans la dizaine d'ann├⌐es qui suivirent, elle allait se rendre compte qu'il n'en ├⌐tait rien.
  32.  
  33. Les traiteurs rivaux ├á l'int├⌐rieur des terres de 1763 ├á 1787 
  34.  
  35.      Les marchands qui s'├⌐taient engag├⌐s ├á contrat ├á approvisionner les forces britanniques victorieuses occupant la Nouvelle-France furent parmi les premiers ┬½pedlars┬╗ (colporteurs) ├á tenter de faire revivre le syst├¿me commercial du Saint-Laurent et des Grands Lacs. Les colporteurs, qui d├⌐pendaient des engag├⌐s et des commis canadiens, se disputaient bruyamment avec les Am├⌐rindiens et entre eux. Les ├⌐v├⌐nements qui entour├¿rent le soul├¿vement de Pontiac en 1763 montra que le gouvernement et les marchands britanniques ignoraient tout de la fa├ºon de pratiquer la traite des fourrures dans la r├⌐gion des Grands Lacs. Malgr├⌐ tout, les colporteurs surmont├¿rent, au bout de quelques ann├⌐es, leurs difficult├⌐s initiales et p├⌐n├⌐tr├¿rent dans le territoire situ├⌐ au-del├á de la T├¬te des lacs, mena├ºant le commerce de la Compagnie de la baie d'Hudson dans les comptoirs c├┤tiers.
  36.  
  37.      Leur commerce reposait sur des associations des plus efficaces. ├Ç Montr├⌐al, un associ├⌐ ├⌐tait charg├⌐ de l'acquisition des objets de commerce et de leur acheminement vers l'int├⌐rieur ainsi que de la mise en march├⌐ des fourrures de l'ann├⌐e pr├⌐c├⌐dente par l'interm├⌐diaire d'agents ├á Londres. Un ou plusieurs associ├⌐s, appel├⌐s bourgeois, passaient l'hiver dans les territoires, o├╣ ils ├⌐taient charg├⌐s de n├⌐gocier avec les Am├⌐rindiens. Poursuivant leur marche vers l'ouest et vers le nord, les colporteurs jug├¿rent utile de transformer leurs associations en syndicats, afin de s'assurer des moyens logistiques suffisants pour qu'un associ├⌐ puisse promouvoir les int├⌐r├¬ts des autres dans des territoires plus ├⌐loign├⌐s. C'est gr├óce ├á l'un de ces syndicats que Peter Pond put se rendre, en 1778, vers le nord au-del├á des bassins hydrographiques de la Saskatchewan et de la Churchill jusqu'├á la rivi├¿re Athabasca, qui d├⌐bouche, par le Mackenzie, dans l'oc├⌐an Arctique. La r├⌐gion de l'Athabasca, centr├⌐e sur Fort Chipewyan, se r├⌐v├⌐la ├¬tre l'┬½eldorado┬╗ de la traite des fourrures; elle englobait les terrains de pi├⌐geage des Tchippewayans, qui avaient auparavant commerc├⌐ avec la Compagnie de la baie d'Hudson ├á Fort Churchill. Les succ├¿s remport├⌐s par le syndicat d'Athabasca ouvrit la voie ├á la cr├⌐ation, en 1784, d'un syndicat plus important, appel├⌐ Compagnie du Nord-Ouest. Trois ans plus tard, celle-ci prit la forme sous laquelle elle allait exister pendant une g├⌐n├⌐ration et exercer une forte influence sur le d├⌐veloppement commercial de Montr├⌐al.
  38.  
  39.      La Compagnie de la baie d'Hudson tenta d'abord de faire obstacle aux succ├¿s que remportaient les colporteurs en envoyant des repr├⌐sentants dans l'int├⌐rieur afin d'inciter les Am├⌐rindiens ├á ne pas tenir compte des offres des colporteurs et ├á se rendre aux comptoirs c├┤tiers. L'inefficacit├⌐ de cette tactique amena la Compagnie ├á abandonner en 1773 son syst├¿me commercial fond├⌐ sur les comptoirs c├┤tiers. L'ann├⌐e suivante, elle cr├⌐a Cumberland House sur le lac Pine, pr├¿s de la Saskatchewan en amont des Grand Rapids o├╣ la rivi├¿re p├⌐n├¿tre dans le lac Winnipeg. Une trentaine d'ann├⌐es auparavant, Henley House avait ├⌐t├⌐ ├⌐rig├⌐ au fond de la baie, sur l'Albany, ├á 240 kilom├¿tres en amont de Fort Albany. ├Ç cette ├⌐poque, la construction du poste n'avait pas ├⌐t├⌐ consid├⌐r├⌐e par les directeurs de la Compagnie comme une d├⌐rogation ├á leur politique traditionnelle. Il s'agissait plut├┤t pour eux d'un bastion destin├⌐ ├á prot├⌐ger les Am├⌐rindiens contre les d├⌐pr├⌐dations des groupes de Canadiens en d├⌐rouine et ├á ravitailler les Am├⌐rindiens pour la derni├¿re ├⌐tape de leur voyage vers Fort Albany. La mise ├á sac de Henley House en 1755 et en 1759 confirmait les directeurs dans leur opinion selon laquelle le commerce ├á l'int├⌐rieur des terres comportait des risques et des frais. Toutefois, avec la construction de Cumberland House, la Compagnie abandonnait sa politique traditionnelle d'├⌐tablissements au fond de la baie et commen├ºait ├á p├⌐n├⌐trer ├á l'int├⌐rieur des terres.
  40.  
  41.      ├Ç ce moment, il devint vite ├⌐vident que la Compagnie de la baie d'Hudson souffrait d'un handicap h├⌐rit├⌐ de sa politique d'immobilit├⌐. La technologie n├⌐cessaire pour se d├⌐placer sur les voies d'eau de l'int├⌐rieur lui faisait d├⌐faut. On ne trouvait pas de bouleaux pr├¿s des comptoirs de la c├┤te ouest de la baie d'Hudson et il fallait se procurer l'├⌐corce aupr├¿s des Am├⌐rindiens de l'int├⌐rieur des terres. Les Am├⌐rindiens qui construisaient des canots pour la Compagnie pr├⌐f├⌐raient leur traditionnelle embarcation ├á deux places plut├┤t que le canot du nord qu'employait sa rivale, la Compagnie du Nord-Ouest, et qui pouvait transporter six personnes. Les employ├⌐s ┬½anglais┬╗ de la Compagnie n'avaient pas l'habilet├⌐ n├⌐cessaire pour se servir des canots et les guerres europ├⌐ennes rendaient difficile le recrutement de jeunes hommes capables d'acqu├⌐rir cette dext├⌐rit├⌐. Les tentatives pour employer des Am├⌐rindiens traiteurs ├⌐chou├¿rent, parce que ceux-ci refus├¿rent d'accepter la position inf├⌐rieure de ┬½tripman┬╗ ├á laquelle voulait les r├⌐duire la Compagnie. Durant la p├⌐riode de quinze ans o├╣ la Compagnie cherchait ├á r├⌐soudre ses probl├¿mes de transport, la Compagnie du Nord-Ouest ├⌐tablit sa supr├⌐matie dans la traite des fourrures. Il fallut encore une g├⌐n├⌐ration avant que le Compagnie de la baie d'Hudson puisse rivaliser avec succ├¿s avec sa concurrente de la r├⌐gion du Saint-Laurent.
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