Lorsque Jacques Cartier explora les rives du Saint-Laurent, il rencontra des agriculteurs iroquoiens qui habitaient des villages permanents entre Québec (les Stadaconiens) et Montréal (les Hochelagois). Ceux-là étaient en guerre avec les Toudamans (les Micmacs ou les Malécites ou les deux), et les Hochelagois parlaient d'«hommes méchants» vivant à l'ouest, qui portaient des armures de plaquettes de bois, et qui ne peuvent être que les Hurons de l'Ontario. Nous n'en sommes pas certains, mais ces populations paraissent originaires du haut Saint-Laurent entre Montréal et Cornwall, région occupée dans la période précédente par les Pointe-Péninsuliens. Dès le XIIe siècle, se frayant un passage par les vallées du Saint-Laurent et du Richelieu, des influences, venant de populations qui allaient devenir les peuples iroquois de l'Ontario et de l'État de New York de la période historique, se firent sentir. Probablement au XIIIe siècle, sinon plus tôt, le maïs, la courge, le tournesol et, très probablement, des variétés de tabac furent introduits, ainsi que, un peu plus tard, le haricot. Ces cultures, outre les riches ressources animales du Saint-Laurent, particulièrement l'anguille de l'Atlantique, qui venait frayer, entraîna une apparente explosion de population et, enfin, la création de grands villages permanents munis de palissades. L'expansion tardive des Iroquoiens du Saint-Laurent vers l'aval du fleuve, jusque dans la région de Québec, peut avoir entraîné des conflits avec les Algonquiens des Maritimes, car des témoignages indiquent que ces derniers exploitaient les ressources des côtes de Gaspésie. Ils nous ont laissé certaines des plus belles poteries et pipes qu'on puisse trouver, et ils utilisaient abondamment l'os pour produire des pointes de flèche, des alênes, des crânes-trophées, des pipes en omoplates de cerf, des perles et des instruments du genre houe. Les outils en pierre se limitaient essentiellement à des mortiers et des pilons pour moudre le maïs, à quelques herminettes polies et à des perles de stéatite. Peu après 1580, les Iroquoiens du Saint-Laurent disparurent et, en 1603, lorsque Samuel de Champlain arriva sur le Saint-Laurent, leur ancienne patrie faisait l'objet de luttes entre, d'une part, la Ligue des Cinq-Nations iroquoises, et d'autre part, les Hurons et les Algonquiens du nord, qui avaient conclu une alliance. Des vestiges archéologiques attestent que les Hurons absorbèrent ce qui restait des Iroquoiens du Saint-Laurent défaits.
LES ALGONQUIENS DES MARITIMES:
Les populations des provinces de l'Atlantique (les Micmacs, les Malécites et les Passamaquoddys) avaient toutes facilement accès au Saint-Laurent, soit en suivant la côte en partant de la baie des Chaleurs, soit en remontant d'importants cours d'eau tels que la rivière Saint-Jean. Des vestiges archéologiques indiquent que la Gaspésie faisait également partie de leur territoire de chasse et de pêche. En fait, les Algonquiens des Maritimes peuvent fort bien avoir exploité cette région dès l'époque maritimienne de l'Archaïque, mais les preuves d'une telle occupation ne sont que très fragmentaires. Des formes distinctives de céramique ainsi que des pointes de flèche et des couteaux en pierre taillée leur étaient caractéristiques. Il est possible qu'on découvre des vestiges archéologiques dans la région sud-est de la province, qui nous est pratiquement inconnue, et que ces vestiges suggèrent une exploitation de cette région par d'autres Algonquiens des Maritimes, comme ce fut le cas dans les États adjacents de Nouvelle-Angleterre.
LES ALGONQUIENS DU NORD:
Au Québec, les populations algonquiennes du nord comprennent les Cris, les Montagnais et les Algonquins. Les Naskapis du nord du Québec font partie de l'ensemble montagnais. Pendant cette période, la technologie était presque identique partout, avec cependant des variantes occidentale et orientale. La variante occidentale était très semblable à ce qu'on trouvait dans des régions adjacentes de l'Ontario, y compris par l'utilisation courante de la céramique et par la peinture d'art chamaniste sur des falaises. À l'est, dans le territoire occupé à l'époque historique par les Montagnais, une technologie un peu différente avait cours, et dans cette région l'art rupestre était absent et le style des pointes de flèche était différent. C'est également cette variante orientale de la culture algonquienne du nord qui occupa la côte du Labrador jusqu'à l'arrivée tardive des Esquimaux du Labrador (culture thuléenne). On retrouve un peu de céramique le long de la côte nord du golfe du Saint-Laurent, ce qui, paradoxalement, atteste un lien très étroit avec le nord de l'État de New York; le Richelieu aurait alors été une voie d'arrivée importante des influences culturelles méridionales. La culture des Montagnais, des Cris de l'est et des Algonquins semble issue soit de la culture bouclérienne de l'Archaïque, soit de la culture laurellienne, qui lui est très étroitement apparentée. Toutefois, tout au long de cette période, les Algonquins de la vallée de l'Outaouais furent très influencés par l'évolution culturelle qui toucha surtout les Iroquois de l'Ontario (les Hurons, les Tionontatis, les Neutres et les Ériés).
LE THULÉEN:
Les Thuléens sont les ancêtres des actuelles populations inuit du Canada et du Groenland. Il y a environ 1 000 ans, ils se répandirent vers l'est depuis leur patrie située dans le nord de l'Alaska. Ils pouvaient, grâce à une technologie de chasse aux mammifères marins, exploiter les grosses baleines qui peuplaient en abondance les eaux arctiques. En moins de 400 ans, ils avaient occupé la plus grande partie de l'Arctique canadien et du Groenland, remplaçant les populations du Paléo-esquimau récent, dont les ancêtres avaient habité la région pendant près de 3 500 ans. Il n'y a guère de preuves d'une possible absorption par les populations thuléennes de ces populations antérieures; il se peut qu'elles les aient repoussées dans des régions marginales où leur race en vint à disparaître. Néanmoins, certaines communautés paléo-esquimaudes et thuléennes furent contemporaines dans le nord du Québec et le long de la côte est de la baie d'Hudson entre le XIIIe et le XVe siècle. Peu avant les contacts avec les Européens, la culture thuléenne avait occupé la côte est de la baie d'Hudson jusqu'au point où celle-ci atteint la baie James, toute la côte septentrionale du Québec et la plus grande partie de la côte du Labrador. À l'époque historique, les Thuléens se répandirent plus au sud le long de la côte du Labrador et atteignirent la côte nord du golfe du Saint-Laurent. Les attaques réunies des Montagnais et des Micmacs forcèrent peut-être leur retrait de la région du détroit de Belle Îsle. La culture thuléenne put maintenir l'importante tradition de chasse à la baleine sur la côte du Labrador longtemps après son abandon dans d'autres parties de l'Arctique. «Thulé» est le nom d'une localité du nord-ouest du Groenland, où cette culture fut attestée pour la première fois.
Avec l'arrivée des Européens et des documents écrits, la préhistoire des peuples autochtones du Québec cède la place à l'histoire. Il faut cependant observer que plus de 95 pour 100 du temps pendant lequel l'homme occupa la province appartient à cette lointaine et brumeuse préhistoire que nous connaissons encore bien peu.
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