LES R╔GIONS MINI╚RES DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE (1880-1920)
Paul Phillips
Vers le tournant du siΦcle, le front pionnier de l'exploitation miniΦre en Colombie-Britannique occupe les terres rudes, montagneuses, en grande partie inhabitΘes du sud-est de la province. La rΘgion est situΘe α quelque 200 milles α vol d'oiseau de la c⌠te du Pacifique, et elle forme un triangle souvent morcelΘ par les montagnes qui l'enserrent α l'est et α l'ouest. Ces cordillΦres sΘparent le triangle en une sΘrie de petites rΘgions, celle de Boundary, α l'ouest, celles de l'Ouest et de l'Est du Kootenay, α l'est. La frontiΦre amΘricaine occupe la base du triangle, qui s'Θtend sur environ 150 milles, tandis que le sommet en est situΘ α 130 milles au nord, prΦs de Revelstoke. Cinquante milles plus loin, vers l'est, la frontiΦre de l'Alberta s'Θtend sur la crΩte des Rocheuses, et c'est lα que l'on trouve une voie de pΘnΘtration naturelle dans la rΘgion, le DΘfilΘ du Nid-de-Corbeau, qui revΩt une importance capitale. La rΘgion du DΘfilΘ nous intΘresse, dans cette histoire, car elle est devenue un important centre de production du charbon, tant pour les fonderies de l'intΘrieur de la Colombie-Britannique que pour les agriculteurs des Prairies.
Plus de vingt-ans aprΦs les dΘbuts de la ruΘe vers l'or du Fraser, vers la fin des annΘes 1850, des prospecteurs indΘpendants dΘcouvrent les richesses minΘrales des rΘgions du Kootenay et de Boundary. Entre 1880 et 1900, on se prΘcipite vers ce nouveau front pionnier; l'argent y coule α flots. IsolΘ, ouvert aux rΘgions miniΦres qui bordent la frontiΦre amΘricaine au sud ½l'Empire de l'IntΘrieur", le front minier risque d'Ωtre absorbΘ par l'Θconomie amΘricaine.
Cependant, les ambitions commerciales du Canadien Pacifique aboutissent α la construction de la ligne ferroviaire du DΘfilΘ du Nid-de-Corbeau, qui rattache la rΘgion α l'Θconomie canadienne. C'est somme toute par hasard que le CPR s'intΘresse dans le mΩme temps α l'exploitation miniΦre et α l'affinage, et qu'il s'inscrit dans le courant de l'Θmergence de la grande entreprise, phΘnomΦne de la fin du XIXe siΦcle. Les travailleurs rΘagissent α cette concentration de la propriΘtΘ en crΘant des syndicats puissants, ce qui contribue α la lutte de classes caractΘristique du monde du travail d'alors et d'aujourd'hui en Colombie-Britannique.
└ la fin de la PremiΦre Guerre mondiale, le rΘgion ressemble bien peu au pays isolΘ et sauvage qu'elle Θtait avant l'arrivΘe des mineurs. Les campements rudimentaires des dΘbuts sont remplacΘs par plusieurs grandes entreprises miniΦres et par des villes bien Θtablies, ainsi que par les fant⌠mes d'anciennes villes champignons. Les pages qui suivent sont l'histoire de la transformation du front pionnier de la Colombie-Britannique et de son intΘgration α l'Θconomie et α la sociΘtΘ canadiennes.
On a dit des dΘbuts de la Colombie-Britannique: ½c'est l'or qui l'a crΘΘe, c'est l'or qui l'a dΘtruite╗. Il est certain que la recherche du mΘtal jaune a jouΘ un r⌠le essentiel dans les premiΦres annΘes de l'histoire de la province, avant que les gisements d'or des riviΦres aient ΘtΘ ΘpuisΘs. Ainsi, l'arrivΘe des mineurs dans la rΘgion du Kootenay, o∙ l'on avait dΘcouvert le prΘcieux mΘtal dans le ruisseau Wild Horse, s'Θtait signalΘe par la construction de la piste Dewdney, menant vers l'intΘrieur des terres du sud; nΘanmoins, dans les annΘes 1870, la rΘgion du Kootenay ½dormait paisiblement╗. On savait bien que ces montagnes et ces vallΘes recelaient d'autres ressources miniΦres, dont les gisements de galΦne (minerai d'argent-plomb) que la Compagnie de la Baie d'Hudson exploitait pour faire des balles, mais les frais de transport Θtaient trop ΘlevΘs pour favoriser la mise en valeur de la rΘgion. Quelques mineurs, surtout des Chinois, subsistaient maigrement en cherchant de l'or dans les alluvions aurifΦres dΘjα exploitΘes, mais le nombre d'Θlecteurs, indice de la population blanche permanente, ne dΘpasse pas quarante-sept en 1877, annΘe o∙ il atteint son sommet.
C'est α l'esprit d'entreprise des AmΘricains que l'on doit la prospΘritΘ de la rΘgion du Kootenay. L'appΓt des mΘtaux prΘcieux est α la base de la pΘnΘtration au Montana et au Wyoming, et il amΦne finalement les prospecteurs α franchir le quarante-neuviΦme parallΦle et α dΘcouvrir des gisements d'or, d'argent, de cuivre, de plomb et de zinc dans les annΘes 1880 et au dΘbut de la derniΦre dΘcennie du XIXe siΦcle. La premiΦre exploitation d'un filon commence dans la rΘgion d'Ainsworth, au bord du lac Kootenay, ou l'on redΘcouvre des gisements d'argent-plomb en 1882. Le capitaine Ainsworth, de San Francisco, fait quelques tentatives d'exploitation commerciale dans les concessions de la rive ouest, mais il semble n'avoir pas eu beaucoup de succΦs. Par ailleurs, la mise en valeur de la rive est du lac est retardΘe par la querelle de la concession Blue Bell, qui aboutit au meurtre de l'un des concurrents et α la pendaison de l'autre. C'est finalement en 1887 qu'un financier amΘricain, W.A. Hendryx, entreprend l'exploitation de la Blue Bell.
L'annΘe prΘcΘdente, d'importantes dΘcouvertes de minerai d'argent-cuivre au mont Toad, prΦs de Nelson, marquent le dΘbut de l'arrivΘe massive de prospecteurs en Colombie-Britannique. Les gisements les plus riches sont ceux des cΘlΦbres concessions de Silver King (Silver King, Kootenay Bonanza, American Flag et Kohinoor). └ partir du lac Kootenay, les prospecteurs essaiment dans trois directions. Ils suivent la vieille piste Dewdney vers l'ouest, o∙ l'on dΘcouvre en 1887 les fabuleux gisements de cuivre-or du mont Red (Rossland). Les concessions les plus cΘlΦbres sont les Lily May, Le Roi, Centre Star, War Eagle, Idaho et Virginia. En 1891, on dΘcouvre les gisements de cuivre-or de la rΘgion de Boundary, situΘe plus α l'ouest. Au nord-ouest, dans les district de Slocan, on dΘcouvre des minerais d'argent-plomb-zinc en 1891 tandis qu'au nord-est, dans l'Est du Kootenay, on jalonne en 1892 des concessions pour des gisements du mΩme genre. On constate Θgalement la prΘsence des minerais de la rΘgion de Boundary, et, en 1894, on a dΘja commencΘ α expΘdier du minerai des concessions Mother Lode, Old Ironsides et Knob Hill, prΦs de Phoenix.
C'est l'Θpoque du mineur indΘpendant, α la fois prospecteur et spΘculateur, qui dΘcouvre le minerai, jalonne sa concession et, peut-Ωtre avec l'aide de quelques partenaires, entreprend de creuser un puits ou une fosse, s'il s'agit d'une mine α ciel ouvert. Un homme sans moyens peut s'enrichir rapidement pendant le boom, mais celui-ci ne dure guΦre. En moins de dix ans, les filons α plus haute teneur de cuivre, d'or et d'argent s'Θpuisent. Dans l'Ouest et dans l'Est du Kootenay, la valeur de la production atteint un sommet en 1901. Dans celle de Boundary, la fonte du minerai plafonne en 1912. Bien avant cette date, la qualitΘ du minerai a commencΘ α baisser et le co√t d'exploitation α augmenter. Il s'ensuit naturellement une tendance α la concentration de sociΘtΘs moins nombreuses, mais plus importantes et plus mΘcanisΘes.
Pour la premiΦre gΘnΘration de mineurs, envoyer le minerai aux marchΘs est un problΦme Θnorme. On utilise des convois d'animaux de bΓt, des chariots et des traεneaux de peaux tirΘs par des chevaux pour transporter le minerai des concessions aux cours d'eau navigables, o∙ des vapeurs α aubes le transportent jusqu'aux fonderies ou jusqu'aux chemins de fer, α celui de Bonner's Ferry par exemple. L'augmentation de la flotte de vapeurs α aubes durant les annΘes 1880 est le rΘsultat direct du besoin de transporter d'encombrants chargements de minerai α l'extΘrieur de la rΘgion, puis d'y ramener des approvisionnements, gΘnΘralement en passant par les ╔tats-Unis, mais aussi en franchissant les lacs Arrow pour rejoindre la voie du CPR α Revelstoke.
C'Θtaient lα des mΘthodes beaucoup trop ardues pour permettre la mise en valeur sur une grande Θchelle des importantes richesses de la rΘgion de l'Ouest et de l'Est du Kootenay. On emploie deux stratΘgies en vue d'amΘliorer les communications Θconomiques et, α l'Γge du rail au Canada, on ne doit pas s'Θtonner de voir que l'une d'elle repose sur le cheval de fer. En 1889, vingt-sept sociΘtΘs ferroviaires se sont vu accorder une charte pour pΘnΘtrer dans la rΘgion du Kootenay et, durant la dΘcennie suivante, vingt autres compagnies sont constituΘes en corporations. Pourtant, malgrΘ l'enthousiasme des promoteurs et l'appΓt des intΘressants subsides gouvernementaux en espΦces et en terres, on ne construit que onze voies ferrΘes. On termine quand mΩme beaucoup d'embranchements et de voies de correspondance dans la premiΦre moitiΘ des annΘes 1890, de sorte que les vapeurs se trouvent reliΘs aux chemins de fer du Canadien Pacifique, au nord, et α ceux de la Northern Pacific et de la Great Northern au sud de la frontiΦre. Toutefois, malgrΘ les vaillants efforts des Canadiens, la concurrence amΘricaine l'emporte clairement sur le trajet en territoire canadien durant cette pΘriode.
Le seconde stratΘgie Θconomique retenue consiste α fondre ou α concentrer le minerai prΦs de la mine elle-mΩme, afin de rΘduire le poids et l'encombrement des minΘraux α transporter. Cette technique avait souvent ΘtΘ utilisΘe au Montana et dans l'╔tat de Washington, au dΘbut de l'exploitation miniΦre, et lorsqu'on construit des fonderies et des concentrateurs en Colombie-Britannique, c'est avec un important apport de capitaux amΘricains.
Le boom des fonderies, intervenu entre 1895 et 1902, accroεt encore l'importance de la rΘgion de Kootenay et celle de Boundary, en crΘant beaucoup de nouvelles villes avec les industries de service que cela suppose. La population passe d'environ 2,000 Γmes en 1890 α plus de 30,000 habitants en 1901. Des scieries, des h⌠tels, des maisons de pension, des boutiques, des banques et d'innombrables dΘbits de boissons surgissent pour satisfaire aux besoins des mineurs et des fondeurs. Les principales villes de la rΘgion sont Nelson, Kaslo, Nakusp, Slocan City, Rossland et Trail; leur importance dΘpend inΘvitablement de leurs installations de transport ou de fonte. Par exemple, Nelson est fondΘe sur les gisements du mont Toad vers 1880-1890; la fonderie est construite en 1895 pour Ωtre agrandie l'annΘe suivante. Durant ces huit ans, la population va de moins de deux cents α mille habitants. Kaslo est la plus importante ville de l'intΘrieur des terres, avec une population de 6,000 Γmes, dit-on. Son importance Θconomique repose sur l'industrie du transport, du fait de sa situation au point de jonction de la ligne de vapeurs de Spokane et de la voie ferrΘe de la Great Northern, qui pousse jusqu'α Slocan et aux mines des environs de Sandon. La ville rivale de Kaslo, Nakusp, est situΘe au bord du lac Arrow supΘrieur; c'est de lα que la voie du CPR part pour Sandon et la rΘgion miniΦre des alentours de New Denver et de Silverton. C'est α Slocan City, α l'extrΘmitΘ sud du lac Slocan, que s'arrΩtent les rails de la voie du CPR construite en 1896 pour rejoindre Trail. Slocan City, reliΘe par voie fluviale α New Denver et α des localitΘs du nord, s'ennorgueillit de ses 16 h⌠tels et cabarets ainsi que de ses douzaines de boutiques. L'ascension et la chute de la ½ville de l'or╗, Rossland, commencent en 1891 avec le dernier envoi de minerai aux fonderies d'Helena et de Tacoma α dos de mulet, par bateau et par rail. Durant les dix annΘes qui suivent, environ 1,000 hommes travaillent aux mines du mont Red. La production dΘbute en 1893-1894 dans la rΘgion de Boundary, qui voit surgir des fonderies α Grand Forks (Grandby Company, 1900), α Greenwood (British Columbia Copper Company, 1901) et α Boundary Falls (Montreal and Boston Copper Company, 1901).
La croissance de Trail est probablement le fait le plus significatif de la croissance Θconomique de l'intΘrieur de la province. Au dΘbut, c'est dans le dessein de concurrencer une fonderie que l'on projette de construire α Northport, juste au-delα de la frontiΦre, en territoire amΘricain, qu'un jeune entrepreneur de Butte, au Montana, nommΘ F.A. Heinze, bΓtit une fonderie α Trail Landing, sur la vieille piste Dewdney. Heinze, qui a le contrat d'affinage du minerai de la riche mine Le Roi, construit Θgalement un chemin de fer α voie Θtroite pour acheminer le minerai α partir de Rossland. Sa prΘvoyance devait jeter les bases d'un empire minier canadien α Trail, devenue en 1897 une ville de 2,000 habitants.
C'est finalement du contr⌠le des transports que dΘpend le contr⌠le du commerce dans le nouvel ½empire de l'intΘrieur╗ canadien. Le combat oppose les capitaux commerciaux canadiens, reprΘsentΘs par le Canadien Pacifique, et ceux des AmΘricains, dont le chef de file est la Great Northern Railway. En 1891, le CPR achΦte la fonderie de Heinze, α Trail; la compagnie tente Θgalement d'amener le commerce de la rΘgion α sa voie reliant l'est et l'ouest, et sa filiale ferroviaire, la Columbia and Western, se porte acquΘreur en 1896 de la Columbia and Kootenay Steam Navigation Company, et construit ou achΦte un certain nombre d'autres voies ferrΘes. En 1898, elle achΦte la charte qui autorisait la British Columbia Southern Railway Company α ouvrir une voie reliant le lac Kootenay au DΘfilΘ du Nid-de-Corbeau. Dans cette charte, la province cΦde α la compagnie 3,750,000 acres de terres et presque 4,000 acres de gisements de charbon de la rΘgion du DΘfilΘ. La Great Northern lutte contre le CPR en Θlargissant son rΘseau de tronτons secondaires partant de sa voie principale, dont le centre est α Spokane, avec des lignes qui atteignent Nelson (1895), Grand Forks (1903-1904), Midway (1906), et la rΘgion houillΦre du DΘfilΘ (1903-1905). La compagnie amΘricaine contr⌠le Θgalement une ligne de vapeurs axΘe sur le lac Kootenay. La lutte pour la prΘdominance commerciale est intense en ce milieu des annΘes 1890.
Le coup de maεtre stratΘgique qui aboutit α la victoire finale est prΘparΘ dans les bureaux du Canadien Pacifique. Strathcona, Van Horne et compagnie construisent l'embranchement clΘ qu'est le chemin de fer du DΘfilΘ du Nid-de-Corbeau, menant de la voie principale du CPR, dans le sud de l'Alberta, jusqu'α Kootenay Landing, dans l'intΘrieur de la Colombie-Britannique, en passant par les gisements de houille de la rΘgion du Nid-de-Corbeau. Le gouvernement canadien encourage la construction de la voie en accordant d'importantes subventions, de l'ordre de $11,000 le mille. Les historiens s'interrogent encore sur les raisons de la grande gΘnΘrositΘ du gouvernement. Poursuivait-on simplement la politique nationale de John A. Macdonald, qui aurait encouragΘ l'intΘgration d'un front pionnier riche en ressources au coeur de l'Θconomie canadienne? C'est certainement l'effet qu'a eu la subvention. D'autre part, les dossiers du CPR sont clairs: la sociΘtΘ ferroviaire aurait construit la voie du DΘfilΘ du Nid-de-Corbeau avec ou sans l'aum⌠ne du gouvernement. Il est donc plus probable que le CPR s'est vu accorder cette subvention pour accepter la rΘglementation gouvernementale des tarifs du transport ferroviaire, rΘglementation qui se traduit encore de nos jours par les cΘlΦbres tarifs modΘrΘs de transport des cΘrΘales via le DΘfilΘ du Nid-de-Corbeau.
Cependant, quoi qu'il en soit, le tronτon de voie est parachevΘ en 1898, donnant ainsi le premier rang au CPR dans la frontiΦre miniΦre de l'intΘrieur de la Colombie-Britannique. Fowke et Britnell ont dΘmontrΘ que c'est cela qui a permis l'intΘgration de la rΘgion α l'Θconomie commerciale canadienne (Voir: An Historical Analysis of the Crow s Nest Pass Agreement and Grain Rates (Regina, Queen's Printer, 1961) p. 33.). C'est dΘsormais sur des rails canadiens et non pas amΘricains qu'on achemine vers l'Ouest la machinerie miniΦre et les autres produits manufacturΘs protΘgΘs par les tarifs de la politique nationale. On envoie vers l'Ouest des produits manufacturΘs, certes, mais aussi des produits agricoles, du bΘtail, des cΘrΘales et des produits laitiers de l'Alberta et du Manitoba, et des volailles de l'Ontario. En retour, l'Ouest expΘdie principalement des minΘraux affinΘs dans l'usine de Trail, controlΘe par le CPR, ce qui a pour effet de donner un nouvel essor α la rΘgion miniΦre de l'Est du Kootenay.
Les importants gisements de houille de la rΘgion du DΘfilΘ constituent une heureuse ressource de plus et la nouvelle voie ferrΘe en rend l'exploitation Θconomiquement rentable. En effet, les locomotives α vapeur consomment du charbon, mais les fonderies dΘvorent du coke, qu'elles faisaient auparavant venir de l'εle de Vancouver, voire de beaucoup plus loin. Quand on le relie finalement α l'est et α l'ouest du Kootenay par rail, le district du DΘfilΘ prend la relΦve et devient le fournisseur le plus important, car sa houille et son coke co√tent aux fonderies 60% de ce qu'ils leur co√teraient sur la c⌠te. La Crow's Nest Pass Coal Company est constituΘe en corporation en 1897; six ans plus tard, en 1903, elle expΘdie, avec ses concurrents, prΦs d'un demi-million de tonnes de houille et de coke. Le DΘfilΘ compte environ mille fours α coke et la compagnie emploie presque 1,500 hommes. La fortune des gisements du DΘfilΘ du Nidde-Corbeau est donc inextricablement liΘe α celle des mines de mΘtaux et des fonderies de l'Est et de l'Ouest du Kootenay et de la rΘgion de Boundary.
Par ailleurs, les ΘvΘnements de la fin des annΘes 1890 ne marquent pas seulement la victoire des capitaux canadiens, mais aussi l'implantation de la grande entreprise riche dans l'industrie miniΦre. On a formΘ pas moins de 1,316 sociΘtΘs miniΦres entre 1885 et 1900, mais il n'en reste plus que 200 en 1901 et ce chiffre est tombΘ α 35 en 1914. Dans la rΘgion de Boundary, la Grandby Company est une entreprise dominante, comme la B.C. Copper Company. Cependant, la plus grande de toutes ces corporations est un lointain descendant de la petite fonderie que Heinze avait fondΘe α Trail. C'est la Consolidated Mining and Smelting Company (COMINCO), sociΘtΘ formΘe en 1906 sous le contr⌠le du CPR. Ces entreprises gΘantes doivent leur succΦs α l'intΘgration verticale (absorption des mines, des installations de fonte, des services ΘnergΘtiques et mΩme des systΦmes de transport au sein d'une mΩme compagnie), α l'intΘgration horizontale (concentration d'un nombre sans cesse croissant de mines en une mΩme entreprise), et au fusionnement. En achetant le contr⌠le d'un certain nombre de mines et en intΘgrant l'extraction et, la fonte du minerai α la production d'Θnergie aux transports, ces entreprises sont α mΩme de rΘaliser des Θconomies du seul fait de l'ampleur de leurs opΘrations.
Naturellement, la croissance rapide de la population donne naissance α une foule affairΘe de mineurs et de commerτants dont une importante proportion, qu'on peut Θvaluer au tiers de la population, est composΘe d'AmΘricains, venus pour la plupart de la rΘgion miniΦre de la frontiΦre. Les nouveaux arrivants amΦnent avec eux leur syndicat, la Western Federation of Miners (WFM). La WFM, organisme α caractΦre militant et radical, a ΘtΘ formΘe α Butte, au Montana, en 1893, α la suite d'un affrontement sanglant avec les propriΘtaires miniers de l'Idaho. L'industrie miniΦre a traditionnellement ΘtΘ en proie α de sΘrieux conflits entre les travailleurs et les financiers, car le travail y est souvent trΦs dur et dangereux, les conditions de vie souvent primitives et l'exploitation des travailleurs par les magasins de la compagnie, chose courante. En outre, la situation s'aggrave par l'instabilitΘ des hommes, qui sont sans attaches et sans femmes. Les luttes sont particuliΦrement violentes dans les ╔tats amΘricains en raison des attitudes anti-syndicales et de la rapacitΘ des propriΘtaires miniers, ces tristement cΘlΦbres requins de l'ouest de l'AmΘrique. Il s'ensuit naturellement une guerre de classes dΘclarΘe qui pousse la WFM α adopter un programme socialiste solide et finalement α prendre part, en 1905, α la fondation du mouvement anarcho-syndicaliste qu'est l'Industrial Workers of the World.
Toutefois, sans avoir jamais ΘtΘ cordiales. les relations entre les syndicats et les patrons dans l'intΘrieur de la Colombie-Britannique n'ont jamais abouti aux violences qu'ont connues les ╔tats amΘricains. La premiΦre section de la WFM est fondΘe α Rossland en 1895, mais le syndicat gagne trΦs peu de terrain jusqu'α ce que le processus du fusionnement des compagnies soit entamΘ et que le nombre de petits mineurs indΘpendants diminue. Ce sont des conflits entre les syndicats et les propriΘtaires miniers au sujet de la loi de la journΘe de huit heures, approuvΘe par l'AssemblΘe lΘgislative provinciale en 1898, qui dΘclenche l'organisation syndicale sur une grande Θchelle. Au dΘbut de 1899, les travailleurs appuient la loi par une grΦve importante, qui touche presque quatre mille travailleurs de l'Ouest du Kootenay. Plus tard, durant la mΩme annΘe, treize sections de la Western Federation of Miners s'unissent pour former le District 6, c'est-α-dire leur propre filiale du syndicat international. Les efforts du syndicat et la grΦve semblent couronnΘs de succΦs, car la loi reste en vigueur.
La lutte entre les travailleurs et leurs patrons n'en continue pas moins α agiter les nouvelles villes miniΦres. La plus fameuse dispute reste la grΦve de Rossland, en 1901, qui soulevait plusieurs questions, dont la plus importante Θtait l'accusation de discrimination anti-syndicale de la part des compagnies. Par la suite, le gouvernement provincial promulgue une nouvelle loi du travail, en 1902. Cette nouvelle loi Θtait en partie due aux efforts du dΘputΘ provincial de la rΘgion, Smith Curtis, qui avait l'appui des syndicats et qui voulait que la Loi protΦge mieux les syndicats des poursuites en dommages intentΘes α la suite de grΦves, comme cela s'Θtait produit dans le cas du conflit de Rossland. En 1903, quinze sections desservent presque tous les grands centres d'exploitation de mines de mΘtaux, et il existe trois sections dans les grandes villes houillΦres. Le syndicat du district compte presque 2,000 membres. C'est alors qu'une grΦve importante de la United Brotherhood of Railway Employees frappe l'Ouest du Canada, avec l'appui des mineurs de charbon de la WFM. L'intervention du gouvernement fΘdΘral contribue α briser la grΦve. Peu aprΦs, les sections houillΦres se sΘparent pour s'unir au district 18 des Mineurs unis d'AmΘrique, tandis que les mineurs en roche dure restent membres de la WFM, qui devient en 1917 le Syndicat international des travailleurs des mines, des concasseurs et des fonderies. Les deux syndicats continuent α reprΘsenter les travailleurs pendant le reste de la pΘriode α l'Θtude.
La grande Θpoque de la prospΘritΘ est rΘvolue avant la PremiΦre Guerre mondiale, sous l'effet conjuguΘ des bas prix des mΘtaux, d'une conjoncture Θconomique dΘfavorable et d'une baisse du rendement de l'exploitation miniΦre. Bien des mines et des fonderies ont fermΘ leurs portes quand le dΘbut des hostilitΘs en Europe provoque une montΘe des prix et une nouvelle prospΘritΘ, qui respecte cette fois le cadre Θtabli de la grande entreprise. La valeur de la production accuse une hausse spectaculaire, du moins jusqu'en 1916. Cependant, les mines de Rossland sont ΘpuisΘes et celles de la rΘgion de Boundary le deviennent bient⌠t. La guerre marque la fin de l'Φre de l'or, de l'argent et du cuivre, et l'ascension du plomb et du zinc. Il reste que l'exploitation de ces mΘtaux communs souffre de la complexitΘ et de la pauvretΘ des minerais de l'Est du Kootenay, particuliΦrement de ceux de la mine Sullivan, prΦs de Kimberly. L'augmentation de plus de 150% du prix du zinc en temps de guerre encourage les essais de flottation (procΘdΘ utilisΘ sans succΦs pour la premiΦre fois au Canada α la mine Le Roi, en 1902; il s'agit de concentrer le minerai mΘtallique en faisant ½flotter╗ les particules mΘtallifΦres α la surface de la roche mΦre sur des bulles huileuses spΘcialement moussΘes α cette fin) et d'Θlectrolyse, procΘdΘ par lequel on affine le mΘtal impur en faisant passer un courant Θlectrique α traver une solution, pour que le mΘtal pur se dΘpose sur une grille ΘlectrifiΘe suspendue dans la solution. On rΘussit ainsi aprΦs 1918 α rΘsoudre finalement le problΦme des minerais de la mine Sullivan, de sorte que l'on peut poursuivre l'exploitation des mΘtaux communs de la rΘgion sur une base rentable et systΘmatique. En fait, les profits rΘalisΘs dans les mines se rΘvΦlent si importants que la Cominco, filiale du CPR, menace de prendre les proportions d'un gΘant vis-α-vis de la sociΘtΘ ferroviaire mΦre.
DΦs les premiΦres annΘes du XXe siΦcle, la partie sud-est de la Colombie-Britannique a en grande partie perdu son caractΦre de front pionnier. L'achΦvement du chemin de fer du DΘfilΘ du Nid-de-Corbeau et la fondation de la Cominco, en 1906, intΦgrent dΘfinitivement la rΘgion α l'Θconomie canadienne, avec la stabilitΘ que lui confΦre le contr⌠le de la grande entreprise.