En 1844, la T. Eaton Company sortit son premier catalogue de vente par correspondance. Dix ans plus tard, la Robert Simpson Company en faisait autant. Les catalogues étaient publiés deux fois par an et contenaient un vaste choix de vêtements tout faits. En 1897, on pouvait acheter chez Eaton, par catalogue, des vêtements sur commande.
À partir de la moitié du XIXe siècle, on accorda de plus en plus d'importance aux sports pour hommes et femmes. Des clubs sportifs s'ouvrirent en de nombreuses agglomérations. Le nombre des clubs de patinage, de curling et de raquettes en même temps que celui des sports d'été comme le tennis et la bicyclette grandissait au fur et à mesure qu'on avançait dans le siècle et en même temps que les clubs consacrés aux sports d'équipe comme le hockey, le football et la crosse. Certains de ces sports faisaient depuis longtemps la joie de particuliers et de groupes enthousiastes. La raquette telle qu'elle avait été pratiquée par les peuples autochtones avait été adoptée par les premiers colons blancs comme un excellent moyen de voyager en hiver. Les vêtements des hommes s'adaptaient plus facilement à ces exercices que ceux des femmes. Une jupe, dite «jupe de marche», qui tombait jusqu'aux chevilles était tout ce que les femmes pouvaient se permettre pour adapter les modes féminines aux sports et les magazines spécialisés ne les encourageaient pas à aller plus loin. Les femmes voulaient conserver la silhouette à la mode et la plupart des personnages féminins, sur les gravures représentant des parties de patinage, dans les années 1870-1880, paraissent porter des tournures. On jouait au tennis dans les années 1880 avec des chandails tricotés d'une nouvelle manière appelée jersey et une jupe à tournure. Pour les sports, la seule exception tolérée à l'ajustement conventionnel était le costume de cheval, qui exigeait une jupe spécialement confectionnée pour monter en amazone, ainsi que le faisaient toutes les femmes jusqu'à la fin du siècle ou presque. Les vêtements avaient évolué dans le sens du confort et, ce qui est plus important, dans le sens de la sécurité. Quelques cavalières enthousiastes, en Alberta, vers 1890, montaient à califourchon; elles portaient alors de volumineuses culottes qui ressemblaient à des jupes lorsqu'elles n'étaient pas à cheval.
Une autre tenue de sport que les femmes arborèrent dans la seconde moitié du XIXe siècle était le costume de bain. Il se composait d'une robe avec des pantalons assortis. Une illustration des modes balnéaires dans le numéro d'été 1870 de New Dominion Monthly montre une robe au genou, ou une tunique, portée sur des pantalons bouffants qui descendent jusqu'aux chevilles. Il est douteux que toutes les femmes et jeunes filles aient accepté la tunique courte. Les pantalons, ou caleçons de bain, raccourcirent d'année en année jusqu'à s'arrêter à mi-mollet; ils se portaient avec des bas et des souliers plats retenus par des lacets croisés autour des chevilles. Autour de 1880, on vit apparaître une blouse et des pantalons avec une jupe séparée. Pour ces vêtements, on recommandait comme tissu la flanelle et plus tard la serge. Les hommes et les femmes ne se baignaient pas ensemble. Jusqu'à ce qu'on admette les bains mixtes dans le dernier quart du siècle, les hommes ne portaient rien lorsqu'ils allaient faire un plongeon. Il est probable qu'on avait l'habitude de faire porter aux enfants des sous-vêtements plutôt qu'un costume de bain proprement dit. Emily Carr nous raconte comment elle avait nagé en chemise de nuit et nous décrit celle-ci, lorsqu'elle s'élevait et flottait autour d'elle à la surface de l'eau.
L'année 1890 a vu le commencement de la décennie où le cyclisme a connu sa plus grande vogue; la bicyclette donnait à de nombreuses femmes et jeunes filles l'illusion de la liberté lorsqu'elles roulaient à toute vitesse sur les grandes routes et les petits chemins. Le costume préféré des cyclistes était, soit un ensemble avec jaquette classique, soit une veste de sport et une jupe aux chevilles, soit encore une jupe et une blouse en été, mais il existait aussi des costumes spécialement conçus pour le cyclisme avec culotte au genou assortie. Le tailleur deux-pièces a évolué en Angleterre à partir de la robe deux-pièces des années 1880. En 1890, il était admis de le porter pour sortir le jour et il était spécialement apprécié des femmes de plus en plus nombreuses qui travaillaient au dehors, jeunes ouvrières ou femmes des carrières libérales. Portée avec une blouse à col montant de style masculin et un noeud de cravate, cette tenue pratique reflétait les revendications grandissantes des femmes. Ce n'est pas surprenant, de nombreuses sociétés, en Angleterre comme aux États-Unis, s'occupaient à cette époque de faciliter aux femmes l'accès au monde du travail.
La blouse et la jupe étaient une autre tenue pratique des années 1890. Une blouse de coton blanc, de style masculin, avec des manches à gigot à la mode et une jupe noire constituaient la tenue obligatoire au bureau et à l'usine. Les blouses et les jupes pouvaient s'acheter toutes faites et les catalogues d'Eaton et de Simpson de 1895 à 1900 contenaient au moins une page de différents modèles. On remarquera avec intérêt dans ce catalogue la fidélité des femmes aux grosses manches, qu'elles ont portées longtemps, même lorsque la mode en a été passée.
Ces catalogues offraient aussi un choix de blouses du soir et elles étaient d'une façon beaucoup plus compliquée que celles de coton blanc de tous les jours. Lorsqu'elles tenaient lieu de corsage de robe, elles étaient fortement baleinées et chargées de dentelles, de broderies de perles, de rubans et de franges. Au cours des années 1890, le buste était un point de mire. La jupe au contraire était simple; elle s'ajustait étroitement sur les hanches pour s'évaser ensuite jusqu'au sol.
Une cape, descendant jusqu'à la taille, était la tenue de sortie en vogue pendant cette décennie. Elle était de forme circulaire et garnie d'un col rigide en corolle. Cette cape était souvent extrêmement chargée d'ornements surtout lorsqu'on devait s'en servir le soir. Les manteaux et les jaquettes étaient ajustés et épousaient la silhouette de la robe, silhouette qui s'est maintenue jusqu'au XXe siècle.
Dans l'histoire de la mode, le XXe siècle est l'un des plus intéressants. Les silhouettes changeaient presque de décennie en décennie, mais une étude approfondie révèle qu'aucun de ces changements n'a été soudain; chacun découlait d'un changement précédent. Ces vêtements nous semblent, au fur et à mesure que le temps s'écoule, apporter de plus en plus de contraintes et c'était certainement le cas pour les femmes à la mode, en particulier lorsque le port du corset s'est étendu dans la seconde moitié du siècle. C'était presque comme si les femmes avaient été emprisonnées pour les empêcher de jouir de la liberté pour laquelle elles combattaient. Il est difficile de croire que la majorité des femmes du Canada, qui menaient des vies actives dans les villes, les villages et les petites agglomérations, se soient pliées aux impératifs de la mode, sauf pour aller à l'église le dimanche et à l'occasion de réunions particulièrement élégantes. On aimerait, pour en être sûr, que soit parvenu jusqu'à nous un plus grand nombre de vêtements de tous les jours.
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