S'il fait toujours les 400 coups et ne mérite guère qu'un 0 de conduite, depuis 1976 Jean-Paul Gaultier mène la mode avec enthousiasme de surprises en surprises. Un talent insolent, un travail acharné, une curiosité toujours en éveil, ses racines appartiennent au Paris des années 50.

Grande époque de l'amour et de la vie, de l'amour de la vie aussi, des aventures galantes sur les escaliers de la Butte -si durs aux miséreux-, des feux de la rampe derrière laquelle brille Lola Montès sous les traits de Martine Carol, des ronds de jambe emplumés de Zizi Jeanmaire dans Folies Bergère, et surtout brillante époque qui voit s'épanouir le sourire de la voisine d'un oncle farfelu! Alors que l'on ne voit déjà plus la gueule d'atmosphère d'Arletty dont la gouaille sonne si familièrement à l'oreille, alors qu'arrivent des Etats-Unis des effluves de liberté sauvage, un enfant -Jean-Paul Gaultier- dessine des girls en bas résille dans les marges de ses cahiers d'écolier, ramasse des boîtes de conserve dans les poubelles -aussitôt transformées en bracelet!- et passe le plus clair de son temps chez sa grand-mère qui sent bon les fleurs. Antre magique, où tout se dit et tout se fait, caverne d'Ali Baba où tout est possible, guérir, maquiller, prédire l'avenir, initiations en tous genres, Jean-Paul Gaultier apprend. Notamment la coiffure et les teintures dont son ours en peluche sera le premier à faire les frais.

De cette époque, date la passion de Jean-Paul Gaultier pour la mode, passion qui le mène à dix-huit ans chez Pierre Cardin, puis chez Jacques Estérel en 1971, enfin chez Patou où il assiste Michel Goma puis Angelo Tarlazzi. De retour chez Pierre Cardin, il quitte la France pour Manille, bien décidé à empoigner la vie, le coeur léger et le bagage mince... Quelques mois plus tard, il rentre à Paris, et retrouve les copains de l'enfance, Francis et Donald, la grande et fine équipe des enfants d'un paradis d'aujourd'hui. C'est avec eux qu'il s'embarque en 1976 dans l'aventure de la création de la maison Jean-Paul Gaultier: premières silhouettes en tutus courts sous pull, bijoux boîtes de conserve, mini-kilts fendus sur les côtés, Jean-Paul Gaultier pourfend les idées reçues bien décidé à conquérir Paris, et, en 1978, il présente sa première collection avec son partenaire japonais Kashiyama.

Comme dans tout roman, il y a dans le travail de Jean-Paul Gaultier, des époques qui sont aujourd'hui au nombre de quatre et que l'on pourrait définir ainsi: Paris influences du passé pour aujourd'hui, Le mélange des genres, les voyages, le retour au vêtement ou la conception du métier.