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Text File  |  1996-08-11  |  31KB  |  66 lines

  1. LA POLITIQUE EXT├ëRIEURE DU CANADA (1919-1939)
  2.  
  3. Norman Hillmer et Robert Bothwell 
  4.  
  5.      On a pu ├¬tre t├⌐moin, entre les ann├⌐es 1919 et 1939, de l'├⌐volution finale qui devait conduire le Canada ├á son ├⌐mancipation et en faire une nation officiellement ind├⌐pendante. C'est ├á la Conf├⌐rence de la paix, qui s'est tenue ├á Paris en 1919, que le Canada a, pour la premi├¿re fois, l├⌐galement particip├⌐ ├á une manifestation politique internationale importante sur un pied d'├⌐galit├⌐ avec ses interlocuteurs. Le Statut de Westminster de 1931 donne au Canada le droit ├á la souverainet├⌐ dans tous les domaines, ├á l'ext├⌐rieur comme ├á l'int├⌐rieur. En 1939, la jeune nation d├⌐clare elle-m├¬me la guerre ├á l'Allemagne nazie. ├Ç cette ├⌐poque, le Canada semblait la nation la plus combl├⌐e: il jouissait de vastes ressources naturelles, avait le bonheur de poss├⌐der un voisin pacifique au sud et se trouvait ├á l'abri des attaques gr├óce aux trois mille milles qui s├⌐paraient ses c├┤tes du tourbillon cr├⌐├⌐ par le militarisme europ├⌐en. Pour reprendre les mots d'un ├⌐minent politicien, le Canada ├⌐tait une ┬½maison ├á l'├⌐preuve du feu, loin de tous mat├⌐riaux inflammables.┬╗
  6.  
  7.      Et pourtant, les deux d├⌐cades de l'Entre-deux-guerres sont des ann├⌐es au cours desquelles nombreux sont les Canadiens qui ne voulaient pas, ou encore n'osaient pas, consid├⌐rer la question des relations ext├⌐rieures du pays ou en discuter. En effet, loin de les unir, le sujet ne faisait que diviser les Canadiens et la question qui les opposait le plus ├⌐tait celle des relations avec la Grande-Bretagne: il y avait ceux qui faisaient valoir les liens traditionnels du Canada avec la ┬½m├¿re patrie┬╗ et ceux qui pensaient que le Canada ne devrait se m├¬ler ni des affaires ni des guerres britanniques. Mais la Grande-Bretagne ├⌐tant un pays europ├⌐en, il ├⌐tait in├⌐vitable qu'elle se trouve m├¬l├⌐e aux ├⌐v├⌐nements europ├⌐ens qui mettraient directement en cause son ├⌐conomie et sa s├⌐curit├⌐. Si une grande guerre ├⌐clatait en Europe, la Grande-Bretagne ├⌐tait condamn├⌐e ├á y participer. Les ├⌐v├⌐nements de 1939 sont l├á pour montrer que, malgr├⌐ toutes ses d├⌐clarations et toutes ses pr├⌐tentions ├á ├¬tre un pays ┬½blind├⌐┬╗, le gouvernement canadien et la majorit├⌐ de la population continuaient ├á confondre leurs int├⌐r├¬ts avec ceux du gouvernement et du peuple britanniques. Le Canada d├⌐cida, selon les paroles m├╗rement pes├⌐es de son premier ministre, de participer ├á la Seconde Guerre mondiale ┬½aux c├┤t├⌐s de la Grande-Bretagne┬╗.
  8.  
  9.      Le Canada n'├⌐tait pas simplement une nation britannique. Comme ses hommes d'├ëtat ne se sont jamais lass├⌐s de le faire remarquer, le Canada est ┬½une nation am├⌐ricaine┬╗, profond├⌐ment marqu├⌐e par sa situation g├⌐ographique ├á c├┤t├⌐ de la plus grande et de la plus prosp├¿re d├⌐mocratie du monde. Au cours des ann├⌐es 1920-1930, un flot ininterrompu de jeunes Canadiens ├⌐migra vers le sud, par opportunisme, alors que leur gouvernement s'effor├ºait d'├⌐pauler le reste du pays, en maintenant des barri├¿res tarifaires mod├⌐r├⌐es et en bloquant les prix ├á un niveau juste assez bas pour ne pas entra├«ner un plus grand nombre de d├⌐parts. Vers la fin des ann├⌐es trente, on estimait que, sur trois personnes n├⌐es au Canada -- Canadiens fran├ºais et anglais -- une vivait alors aux ├ëtats-Unis.
  10.  
  11.      Du point de vue politique, la situation internationale id├⌐ale pour le Canada reposait sur l'existence de liens amicaux et harmonieux entre les Britanniques et les Am├⌐ricains. En effet, la position g├⌐ographique et les liens ├⌐troits qu'il entretenait avec les ├ëtats-Unis comme avec la Grande-Bretagne avaient engendr├⌐, dans l'opinion g├⌐n├⌐rale, l'id├⌐e que le dominion ├⌐tait l'id├⌐al pour jouer le r├┤le de trait d'union ou d'interpr├¿te entre les deux grandes puissances anglophones, entre le Vieux monde et le Nouveau. C'├⌐tait toutefois une opinion sans grand fondement et les politiciens et hommes d'├ëtat canadiens n'ont cess├⌐ d'insister sur les limites que pr├⌐sentait leur situation au lieu de souligner les possibilit├⌐s qu'elle offrait: la n├⌐cessit├⌐ de m├⌐nager les nombreuses races et cultures du Canada, surtout les Anglais et les Fran├ºais; la vuln├⌐rabilit├⌐ d'une ├⌐conomie bas├⌐e essentiellement sur les exportations; l'importance du d├⌐veloppement national dans une jeune nation. Les ma├«tres d├⌐cisions politiques d├⌐siraient par cons├⌐quent la paix ou au moins un monde qui jouisse d'une paix aussi stable que les puissances anglo-saxonnes pouvaient la leur assurer, de sorte que le pays puisse se consacrer ├á l'├⌐dification de la nation. Cependant le XXe si├¿cle devait se distinguer dans tous les domaines sauf dans celui de la paix.
  12.  
  13.      En 1914, le Canada ├⌐tait automatiquement entr├⌐ dans la Premi├¿re Guerre mondiale en tant que colonie britannique. La d├⌐claration de guerre britannique ├á l'Allemagne impliquait que le Canada aussi ├⌐tait l├⌐galement en guerre et, au d├⌐but, peu parmi les Canadiens, s'il en fut, mirent cela en question. Comme la guerre tra├«nait en longueur, toutefois, et que plusieurs milliers de Canadiens combattaient et mouraient en France, un nouveau sentiment d'identit├⌐ nationale, fond├⌐ sur les r├⌐alisations ├⌐conomiques et militaires du Canada au cours de la guerre, s'affirmait. Tous les Canadiens ne partageaient pas ce sentiment de fiert├⌐, mais le Premier ministre, Sir Robert Borden, sut l'exploiter pour demander que soit reconnu au Canada un statut de membre ├⌐gal ind├⌐pendant au sein de l'Empire britannique. Les historiens Craig Brown et Ramsay Cook ont ├⌐crit: ┬½un statut en soi, Borden l'a reconnu lui-m├¬me, le droit de d├⌐lib├⌐rer ici, d'avoir un si├¿ge l├á, faisait peu de diff├⌐rence. Ce qui comptait, c'├⌐tait la responsabilit├⌐ dans l'action qui en d├⌐coulait, la volont├⌐ du Canada d'assumer, au-del├á de ses fronti├¿res, des t├óches conformes au statut que s'├⌐tait donn├⌐ le pays.┬╗ Borden esp├⌐rait qu'├á l'avenir le Canada aurait un r├┤le ├á jouer, ├á l'int├⌐rieur de l'Empire britannique et m├¬me ├á l'ext├⌐rieur, dans les grandes d├⌐cisions qui d├⌐termineraient l'avenir du monde. Pour servir cet objectif, Sir Robert fit conna├«tre ses exigences et obtint de si├⌐ger s├⌐par├⌐ment ├á la Conf├⌐rence de la paix ├á Paris, de signer s├⌐par├⌐ment le trait├⌐ de paix et de participer s├⌐par├⌐ment ├á la Soci├⌐t├⌐ des Nations et ├á l'Organisation Internationale du Travail.
  14.  
  15.      Le Trait├⌐ de Versailles ├⌐tablit la paix entre les alli├⌐s victorieux et l'Allemagne. Il mettait ├⌐galement en place une nouvelle structure d'ordre international, la Soci├⌐t├⌐ des Nations, qui avait pour mission de maintenir la paix ├á l'avenir et de veiller ├á ce qu'une autre catastrophe semblable ├á la Premi├¿re Guerre mondiale ne se reproduise pas. Toutes les nations, au moins en th├⌐orie, devaient en faire partie. Malheureusement, dans la pratique, l'adh├⌐sion ├á la Soci├⌐t├⌐ ├⌐tait loin d'├¬tre universelle. L'Allemagne, l'ennemi vaincu, n'y fut admise qu'en 1926; l'Union sovi├⌐tique, cette ├⌐trange cr├⌐ation r├⌐cente, dut attendre jusqu'en 1934; et les ├ëtats-Unis ne s'y ralli├¿rent jamais. Ce qui veut dire que le pouvoir de faire ex├⌐cuter les d├⌐cisions de la S.D.N. ├⌐tait d├⌐tenu par ses deux principaux membres, la Grande-Bretagne et la France, toutes les deux sorties physiquement ├⌐puis├⌐es de la guerre. En attendant, les membres moins importants de la S.D.N., notamment le Canada, se voyaient injustement rel├⌐gu├⌐s au rang de satellites des Britanniques et des Fran├ºais.
  16.  
  17.      Borden rentra au Canada, fier du r├┤le jou├⌐ par son pays dans la signature du Trait├⌐ et de la place qu'il s'├⌐tait acquis ├á l├á S.D.N. ├Ç sa grande d├⌐ception, il d├⌐couvrit que l'opinion publique ne s'int├⌐ressait pas ├á ses succ├¿s diplomatiques ├á l'├⌐tranger. Il trouva le pays ├⌐puis├⌐ par les luttes ouvri├¿res et par la discorde qui r├⌐gnait entre les Canadiens fran├ºais et les Canadiens anglais. Afin de gagner la guerre, Borden avait eu recours ├á la conscription et avait fait entrer dans l'arm├⌐e des milliers de Canadiens r├⌐calcitrants. Cet acte, comme la guerre qui en ├⌐tait la cause, ├⌐tait particuli├¿rement impopulaire chez les agriculteurs et au Qu├⌐bec. Lors de l'imposition de la conscription, il y avait eu des ├⌐meutes, les plus notoires ├á Qu├⌐bec, et m├¬me plusieurs morts. Au Canada fran├ºais, la participation aux affaires de l'Empire britannique et ├á la S.D.N. semblait se r├⌐duire ├á rapprocher d'autant plus la menace d'une nouvelle conscription. Pour le Canada, ou tout au moins pour le Qu├⌐bec, de tels conflits ne pr├⌐sentaient aucun int├⌐r├¬t. Pourquoi les Canadiens devraient-ils aller se faire tuer en Europe ├á cause des engagements pris par la Grande-Bretagne ou par la S.D.N. et des responsabilit├⌐s ou des int├⌐r├¬ts de celles-ci?
  18.  
  19.      Borden ne r├⌐ussit pas ├á triompher de l'hostilit├⌐ sur le plan politique et des conflits sociaux. Las et ayant perdu ses illusions, il d├⌐missionna en juillet 1920. Arthur Meighen lui succ├⌐da, pour peu de temps d'ailleurs, car il essuya un ├⌐chec aux ├⌐lections g├⌐n├⌐rales de d├⌐cembre 1921, que remport├¿rent les Lib├⌐raux de Mackenzie King. Meighen ├⌐tait l'auteur du projet de loi de 1917 sur la conscription et, comme Borden, il avait les mains li├⌐es au Qu├⌐bec, o├╣ on le consid├⌐rait comme un imp├⌐rialiste ├á tous crins, toujours pr├¬t ├á sacrifier des Canadiens dans les guerres britanniques. Il est bien ├⌐vident que le parti lib├⌐ral d'opposition, n'├⌐tait que trop content d'aider les ├⌐lecteurs ├á faire ce rapprochement. Pendant des ann├⌐es apr├¿s la fin de la Premi├¿re Guerre mondiale, le combat ├á propos de la conscription n'a cess├⌐ de se rejouer au Qu├⌐bec, avec les Conservateurs dans le r├┤le des tra├«tres et les Lib├⌐raux dans celui des h├⌐ros valeureux qui veulent ├⌐pargner ├á tout jamais au Canada le risque d'un autre sacrifice dans une guerre ├⌐trang├¿re.
  20.  
  21.      Ces prises de position furent symboliquement mises ├á l'├⌐preuve en 1922. Les Britanniques avaient des garnisons en Turquie. Certaines d'entre elles avaient ├⌐t├⌐ menac├⌐es par des Turcs nationalistes pr├¿s de Chanak, dans les Dardanelles. Le gouvernement britannique de Lloyd George fit publiquement appel ├á l'aide des dominions dans l'espoir d'intimider les Turcs en mobilisant la puissance unie de l'Empire. Le Premier ministre King, fort surpris de s'entendre interroger par un journaliste sur un appel dont il n'avait pas encore eu vent, demanda prudemment de plus amples informations sur la crise et d├⌐clara: ┬½le Parlement en d├⌐cidera┬╗. Cela devait demeurer la r├¿gle de conduite de King en politique au cours des dix-sept ann├⌐es qui suivirent: dans n'importe quelle crise, le Canada resterait dans l'expectative et ce seraient les repr├⌐sentants de la nation au Parlement qui d├⌐cideraient en dernier ressort.
  22.  
  23.      Le chef du parti conservateur, Meighen, par contre, proposait une r├⌐ponse plus cat├⌐gorique. Il soutenait que le gouvernement britannique ne voulait pas des troupes, mais une d├⌐claration de solidarit├⌐, il affirmait que le Canada avait des obligations conventionnelles en Turquie. ┬½Que ma position soit bien claire. Quand le message de la Grande-Bretagne est arriv├⌐, le Canada aurait d├╗ r├⌐pondre: 'Pr├¬ts, oui, pr├¬ts; nous sommes ├á vos c├┤t├⌐s.'┬╗ La r├⌐action des Conservateurs fut favorablement accueillie par des milliers de Canadiens anglais, mais elle n'eut pas d'effet durable car les menaces de guerre ne se concr├⌐tis├¿rent pas et les Britanniques eux-m├¬mes renvers├¿rent leur Premier ministre et le nouveau gouvernement se h├óta de faire la paix avec les Turcs. Mackenzie King avait choisi de temporiser et, en l'occurrence, il pouvait soutenir que son choix s'├⌐tait av├⌐r├⌐ le bon. ┬½├Ç mon avis┬╗, dit King devant la Chambre des Communes, ┬½l'attitude que le Canada a prise . . . a eu un effet tr├¿s sain et tr├¿s mod├⌐rateur ├á un moment tr├¿s critique . . . ┬╗
  24.  
  25.      King pouvait aussi pr├⌐tendre qu'il avait su maintenir ┬½l'unit├⌐ nationale┬╗, qui se r├⌐sumait pour lui en d'harmonieuses relations entre les Canadiens anglais et fran├ºais. Des entreprises dangereuses en politique ├⌐trang├¿re pouvaient mettre en p├⌐ril cette unit├⌐, sans compter le soutien politique des Canadiens fran├ºais dont d├⌐pendait le parti de King (la seule fois o├╣ les Conservateurs remport├¿rent au Qu├⌐bec plus de dix si├¿ges au Parlement, ce fut lors des ├⌐lections de 1930). La politique de King jouissait du soutien enthousiaste de ses coll├¿gues canadiens-fran├ºais ├á la Chambre et de ses ministres qu├⌐b├⌐cois, surtout Ernest Lapointe, l'efficace chef du parti au Qu├⌐bec. La politique de King se r├⌐clamait de celle de son h├⌐ros, Sir Wilfrid Laurier, le Premier ministre canadien fran├ºais de 1896 ├á 1911, qui avait soutenu que les Canadiens ne devraient pas aller chercher ├á l'├⌐tranger l'influence, le prestige ou les responsabilit├⌐s. Plut├┤t que sur les relations ext├⌐rieures, il allait mettre l'accent sur l'harmonie interne et le d├⌐veloppement national.
  26.  
  27.      Ce n'est donc pas une co├»ncidence si le plus proche conseiller de King ├⌐tait l'ami et le biographe de Laurier, O.D. Skelton. Professeur ├á l'universit├⌐ Queen's avant de devenir sous-secr├⌐taire d'├ëtat aux affaires ext├⌐rieures en 1925 (le Premier ministre ├⌐tait ├⌐galement ministre des affaires ext├⌐rieures ├á l'├⌐poque), Skelton ├⌐tait convaincu de la n├⌐cessit├⌐ de lib├⌐rer le Canada de l'Empire britannique et de ses attaches internationales, surtout de ses attaches europ├⌐ennes. ┬½Avons-nous une dette envers l'Europe?┬╗ ├⌐crivait-il en 1926. ┬½Sur trois mille milles, le Canada est bord├⌐ par un voisin quinze fois plus puissant que lui . . . Il sait fort bien qu'aucun pays sur le continent europ├⌐en ne l├¿verait le petit doigt pour l'aider si les ├ëtats-Unis l'attaquaient. Sa s├⌐curit├⌐ repose sur une attitude raisonnable de sa part, la bonne foi de son voisin et le d├⌐veloppement continu de relations amicales, de r├¿gles de conduite communes et de points de vue communs. Pourquoi l'Europe n'en ferait-elle pas autant?┬╗ Skelton avait la ferme conviction que s'il devait y avoir une autre guerre comme la Premi├¿re Guerre mondiale, cela se traduirait par une catastrophe nationale pour le Canada. Les Anglais et les Fran├ºais seraient divis├⌐s; le pays pourrait s'effondrer politiquement ou ├¬tre victime de bouleversements ├⌐conomiques et de la destruction totale de la soci├⌐t├⌐ canadienne qui am├¿nerait les conflits entre les classes.
  28.  
  29.      Ce que Skelton ├⌐tait d├⌐termin├⌐ ├á ├⌐viter, si cela d├⌐pendait de lui. Il poursuivit son objectif sur deux fronts: ├á br├¿ve ├⌐ch├⌐ance, en mettant en garde le Premier ministre King et son successeur, R.B. Bennett, contre une participation trop ├⌐troite aux affaires de l'Empire ou de la S.D.N.; ├á longue ├⌐ch├⌐ance, en mettant sur pied un minist├¿re des Affaires ext├⌐rieures fort et comp├⌐tent et en tirant parti de l'existence d'ambassades canadiennes ind├⌐pendantes dans les capitales ├⌐trang├¿res pour affirmer la distinction entre le Canada et la Grande-Bretagne de fa├ºon ├á ce que le Canada en vienne ├á ne plus d├⌐pendre des services d'information britanniques pour se tenir au courant de ce qui se passe ├á l'├⌐tranger.
  30.  
  31.      Skelton a d├╗, dans une certaine mesure, ├¬tre encourag├⌐ par la politique de King. Dans les ann├⌐es vingt, le gouvernement canadien d├⌐sengagea lentement sa politique de celle de la Grande-Bretagne et mit fin, avec l'aide de deux autres ┬½dominions┬╗, l'Afrique du Sud et l'├ëtat libre d'Irlande ├á la th├⌐orie selon laquelle le Foreign Office parlait au nom de l'Empire britannique lorsqu'il ├⌐tait question de politique ├⌐trang├¿re. L'empire cessa d'├¬tre un empire pour devenir une communaut├⌐ de nations d├⌐centralis├⌐e. De 1927 ├á 1929, le Canada envoya ses premiers repr├⌐sentants diplomatiques ├á l'├⌐tranger -- ├á Washington, Paris et Tokyo. Skelton r├⌐ussit aussi ├á recruter un certain nombre de jeunes fonctionnaires de valeur pour le Minist├¿re des Affaires ext├⌐rieures, notamment Laurent Beaudry, Lester Pearson et Norman Robertson. Le succ├¿s de Skelton toutefois ne fut pas total. Le Minist├¿re des Affaires ext├⌐rieures resta stationnaire pendant l'Entre-deux-guerres et le Canada ne commen├ºa ├á accro├«tre le nombre de ses repr├⌐sentations diplomatiques (fig├⌐ ├á trois) qu'en janvier 1939 o├╣ des l├⌐gations furent ├⌐tablies en Belgique et aux Pays-Bays. Dans les autres capitales du monde, Ottawa continuait ├á s'en remettre au Foreign Office pour repr├⌐senter les int├⌐r├¬ts canadiens.
  32.  
  33.      King convenait avec Skelton que les attaches avec la Grande-Bretagne constituaient une menace pour l'autonomie et l'unit├⌐ du Canada, mais il ne consentait pas, que ce soit d'un point de vue personnel ou politique, ├á ├⌐riger un mur entre les deux pays. Comme beaucoup de Canadiens anglais (et quelques Canadiens fran├ºais), King ├⌐tait profond├⌐ment attach├⌐ aux traditions, id├⌐aux et valeurs britanniques; il ├⌐tait ├⌐galement peu dispos├⌐ ├á prendre dans le domaine des affaires ├⌐trang├¿res la moindre initiative, susceptible, ├á son avis, de lui ali├⌐ner d'importantes sections de la population. Un accroissement spectaculaire de la repr├⌐sentation diplomatique ├á l'├⌐tranger, par exemple, co├╗terait cher et pourrait ├¬tre interpr├⌐t├⌐ comme une d├⌐loyaut├⌐ vis-├á-vis de la Grande-Bretagne. Dans l'ensemble, King n'en demandait pas davantage que de continuer sur sa lanc├⌐e. Skelton suivait tout ├á fait le raisonnement de King, mais il craignait qu'une politique de laisser-aller n'entra├«ne in├⌐vitablement le Canada dans une autre guerre britannique.
  34.  
  35.      Vers le milieu et la fin de la deuxi├¿me d├⌐cade du XXe si├¿cle, la guerre apparaissait comme une possibilit├⌐ ├⌐loign├⌐e. La prosp├⌐rit├⌐ ├⌐conomique internationale graissait les rouages de l'harmonie internationale. Les Allemands acceptaient de vivre en paix avec leurs voisins; les Russes ├⌐taient trop occup├⌐s par leur d├⌐veloppement interne pour se m├¬ler des affaires des autres; les Japonais s'essayaient ├á faire d'une d├⌐mocratie lib├⌐rale un syst├¿me de gouvernement viable. Et la plupart des gens s'accordaient pour penser que, si le besoin s'en faisait sentir, la Soci├⌐t├⌐ des Nations serait en mesure d'apporter son concours. Symbolique de l'├⌐poque est la signature, ├á Paris, du Pacte Briand-Kellogg, par lequel toutes les nations s'engageaient ├á renoncer ├á la guerre comme instrument de politique internationale. Mackenzie King fit le voyage de Paris pour apposer sa signature au trait├⌐, puis continua sur Gen├¿ve pour y repr├⌐senter le Canada au Conseil de la S.D.N., qui en ├⌐tait l'organe de gouvernement et auquel le ┬½vieux dominion┬╗ avait ├⌐t├⌐ ├⌐lu en 1927. Les perspectives de paix semblaient si favorables que beaucoup de Canadiens en oubli├¿rent leur opposition aux ┬½attaches europ├⌐ennes┬╗ que leur imposait l'appartenance ├á la S.D.N. Si les int├⌐r├¬ts en jeu ├⌐taient enti├¿rement pacifiques, le Canada pouvait certainement y souscrire et m├¬me apporter son concours ├á leur d├⌐fense. Surtout que le Canada avait tant de le├ºons ├á donner aux Europ├⌐ens: lors de sa visite ├á la S.D.N. en 1928, King brossa un tableau discutable d'un Canada qui avait su int├⌐grer ses deux cultures et vivait en paix et en harmonie avec ses voisins du sud.
  36.  
  37.      Cette sc├¿ne idyllique fut rapidement boulevers├⌐e par les r├⌐percussions de l'effondrement de Wall Street en 1929 et par la Grande D├⌐pression qui en r├⌐sulta. Un vent de panique ├⌐conomique souffla sur le monde occidental et le syst├¿me de commerce international faillit ├¬tre emport├⌐ par la tourmente. Sous l'emprise de la chute des prix et de l'augmentation du ch├┤mage, diff├⌐rentes nations prirent des dispositions n├⌐cessaires pour se prot├⌐ger et laisser leurs voisins subir les cons├⌐quences. Le Canada, comme les autres pays, fut touch├⌐. Aux ├⌐lections g├⌐n├⌐rales de 1930, les Lib├⌐raux de Mackenzie King furent balay├⌐s et remplac├⌐s au pouvoir par le nouveau chef du parti conservateur, Richard Bedford Bennett, qui d├⌐clarait publiquement:
  38.  
  39.      Il y a longtemps que les ├ëtats-Unis ont appris que, pour devenir une grande nation, il fallait d'abord compter sur soi-m├¬me. C'est pourquoi ils ont commenc├⌐ par affermir leur march├⌐ int├⌐rieur en excluant les produits des autres nations . . . Ils ont d├⌐velopp├⌐ leurs industries, leurs ressources naturelles, encourag├⌐ et prot├⌐g├⌐ leur agriculture, de sorte que, malgr├⌐ des d├⌐buts modestes, ils ont atteint des proportions gigantesques qui leur permettront, si les pays touch├⌐s ne prennent pas de mesures pr├⌐cises, de faire valoir leur force et d'imposer leurs objectifs aux autres pays qu'ils se sont fix├⌐s pour but d'asservir industriellement. Telle est l'histoire des ├ëtats-Unis. Ils ont de l'avance sur nous. Aujourd'hui ils sont plus puissants que nous.
  40.  
  41.      ├Ç moins que vous soyez r├⌐sign├⌐s ├á devenir leur vassal du point de vue ├⌐conomique, il vous faut prendre les m├¬mes moyens qu'eux. Vous devez d├⌐fendre vos propres int├⌐r├¬ts et la seule place qui convienne au Canada, c'est la premi├¿re . . .
  42.  
  43.      ├ëcoutez, vous les agriculteurs de l'Ouest et de toutes les autres r├⌐gions du pays. On vous a appris ├á applaudir au libre ├⌐change. Pouvez-vous me dire quand le libre ├⌐change a d├⌐fendu vos int├⌐r├¬ts? Vous dites que nos droits de douane n'affectent que les industriels. Je les emploierai aussi pour d├⌐fendre vos int├⌐r├¬ts. Je les emploierai pour qu'ils vous taillent une place sur les march├⌐s qui vous ont ├⌐t├⌐ ferm├⌐s.
  44.  
  45. On comprend facilement que les Canadiens aient ├⌐t├⌐ s├⌐duits par les belles promesses que leur faisait Bennett: du travail, du prestige, de l'action; et, m├¬me au Qu├⌐bec, les Conservateurs r├⌐ussirent ├á enregistrer une certaine avance pour la premi├¿re fois depuis la Premi├¿re Guerre mondiale.
  46.  
  47.      Bennett, qui devint Premier ministre, ├⌐tait un homme extr├¬mement intelligent, impulsif et absolu. Dans la plupart des circonstances, il ne suivait pas d'autre avis que le sien. ├Ç l'├⌐poque il y avait une histoire qui circulait sur lui ├á Ottawa: un homme se pr├⌐cipite sur son ami pour lui dire qu'il vient juste de voir le premier ministre, en plein jour, qui marchait dans la rue et parlait tout seul ├á haute voix. ┬½Oh, c'est tout? Cela n'a rien d'anormal. Le Premier ministre ├⌐tait tout simplement en train de consulter son cabinet.┬╗ En politique ext├⌐rieure, Bennett suivait ses propres inclinations et celles de son parti lorsqu'il portait les tarifs douaniers aussi haut que possible et qu'il essayait ensuite de se servir de cela comme d'un instrument de marchandage dans ses n├⌐gociations avec les nations ├⌐trang├¿res et celles de l'Empire. La th├⌐orie de Bennett, apparemment, et il n'├⌐tait pas le seul ├á la d├⌐fendre, ├⌐tait que tous les pays allaient ├⌐lever leurs droits de douane ├á un niveau intol├⌐rable, bloquant ainsi la majeure partie du commerce (ce qui se produisit effectivement, m├¬me si les tarifs douaniers n'├⌐taient pas les seuls coupables). Les nations seraient donc tenues de se mettre d'accord sur une r├⌐duction mutuelle des tarifs pour que les choses se remettent en marche. En 1932, Bennett r├⌐ussit a persuader les nations de la communaut├⌐ britannique de se r├⌐unir ├á Ottawa pour une s├⌐rie de n├⌐gociations douani├¿res. Ces entretiens d├⌐bouch├¿rent sur un syst├¿me de ┬½pr├⌐f├⌐rences imp├⌐riales┬╗ entre les pays du Commonwealth, encore que ces accords commerciaux s'av├⌐r├¿rent d'une port├⌐e beaucoup plus limit├⌐e que ce que beaucoup avaient esp├⌐r├⌐ avant la r├⌐union. Celle-ci n'avait certainement pas amen├⌐ une r├⌐duction notable des tarifs dans le monde ou ├á l'int├⌐rieur de l'empire. Bennett, comme le faisait remarquer un fonctionnaire canadien, ├⌐tait ┬½un imp├⌐rialiste convaincu┬╗, mais il ne voulait prendre aucune initiative pour proposer de grosses r├⌐ductions dans les droits de douane ┬½en grande partie parce que, en politique canadienne, il ├⌐tait plus sage de ne pas toucher au tarif douanier┬╗.
  48.  
  49.      La majorit├⌐ du commerce ext├⌐rieur canadien se faisait en fait avec les ├ëtats-Unis, et les tarifs douaniers am├⌐ricains et canadiens continuaient ├á s'affronter le long du quarante-neuvi├¿me parall├¿le. Mais la mise en place aux ├ëtats-Unis, avec les ├⌐lections de 1932, d'une administration d├⌐mocrate sous Franklin D. Roosevelt, modifia l'engagement am├⌐ricain dans une politique douani├¿re vou├⌐e aux tarifs ├⌐lev├⌐s. Des n├⌐gociations en vue de r├⌐ductions r├⌐ciproques des droits de douane furent bient├┤t entreprises et, ├á l'automne de 1935, elles ├⌐taient presque achev├⌐es. Ce m├¬me automne, toutefois, vit de nouvelles ├⌐lections qui ramen├¿rent Mackenzie King au pouvoir et ce fut King qui termina les n├⌐gociations, signa le trait├⌐ de r├⌐ciprocit├⌐ et s'en attribua le m├⌐rite.
  50.  
  51.      Les probl├¿mes ├⌐conomiques suffisaient ├á pr├⌐occuper la plupart des Canadiens pendant la Grande D├⌐pression. Entre 1929 et 1933, le Produit national brut du Canada baissa de presque 50% de plus que celui de tous les autres pays, ├á l'exception des ├ëtats-Unis. Des millions de Canadiens se trouv├¿rent sans emploi et des millions re├ºurent des secours. Et, en plus de ces tristes perspectives ├⌐conomiques, le gouvernement devait ├⌐galement tenir compte de la menace croissante que constituaient pour la paix mondiale l'Asie et l'Europe.
  52.  
  53.      Sous le choc de la D├⌐pression, le syst├¿me politique canadien demeura relativement intact. Tous les pays n'eurent pas autant de chance, lorsqu'ils abandonn├¿rent une d├⌐mocratie ┬½inop├⌐rante┬╗ au profit d'un syst├¿me de dictature apparemment plus efficace. L'Italie avait d├⌐j├á suivi cette voie avec Benito Mussolini en 1922; le Japon tomba progressivement sous l'influence de son Arm├⌐e et de sa Marine; et en Allemagne, on se tourna vers un nouveau sauveur, Adolf Hitler, qui promettait de mettre fin ├á la d├⌐mocratie parlementaire -- et ├á la d├⌐pression. Le Japon, l'Italie et l'Allemagne se consid├⌐raient comme des nations d├⌐sh├⌐rit├⌐es dans la lutte universelle pour la survie, et nombreux en Occident ├⌐taient ceux qui sympathisaient avec eux. Aussi, lorsque ces trois pays entreprirent de renverser l'├⌐quilibre mondial en leur faveur, de nombreux occidentaux trouv├¿rent des excuses ├á leur conduite.
  54.  
  55.      La premi├¿re victime de la nouvelle instabilit├⌐ internationale fut la Soci├⌐t├⌐ des Nations, qui ├⌐tait cens├⌐e emp├¬cher qu'une nouvelle guerre puisse ├⌐clater. En 1931, les troupes du Japon, un des grands de la S.D.N., attaqu├¿rent la Mandchourie. La Chine, ├⌐galement membre de la S.D.N., fit appel ├á l'organisme international, qui examina la situation, d├⌐lib├⌐ra sur la question et publia un rapport qui ├⌐quivalait ├á condamner l'agression japonaise en Chine, en d├⌐clarant que les gains territoriaux du Japon ne devraient pas ├¬tre reconnus. Toutefois, la S.D.N. ├⌐tait impuissante ├á imposer son jugement parce qu'aucun des ├ëtats membres n'├⌐tait pr├¬t ├á imposer des sanctions ├⌐conomiques ou militaires au Japon. Entre temps, les Japonais continuaient ├á occuper la Mandchourie.
  56.  
  57.      Au d├⌐but de 1933, la S.D.N. condamna l'agresseur et le Japon se retira de la S.D.N. Mais la Grande-Bretagne et la France avaient alors d'autres causes de souci. En Allemagne, Adolf Hitler ├⌐tait devenu chancelier en janvier. Avant la fin de l'ann├⌐e, il avait pr├⌐venu que l'Allemagne allait quitter la S.D.N., supprim├⌐ toutes les institutions libres en Allemagne et commenc├⌐ sa pers├⌐cution contre les Juifs, qu'il rendait responsables de la plupart des maux du XXe si├¿cle. Les Britanniques et les Fran├ºais soup├ºonnaient Hitler de vouloir essayer par la force de renverser l'├⌐quilibre du pouvoir en Europe et commenc├¿rent bient├┤t ├á prendre des mesures pour contenir la menace nazie. D'une part, ils pass├¿rent lentement au r├⌐armement; d'autre part, les Fran├ºais surtout tent├¿rent de faire comprendre aux autres nations europ├⌐ennes le danger que posait l'Allemagne. Les Britanniques comme les Fran├ºais ├⌐taient particuli├¿rement soucieux de cultiver l'amiti├⌐ de l'Italie de Mussolini.
  58.  
  59.      ├Ç l'automne 1935, cependant, l'Italie prit le mors aux dents et envahit l'empire d'Ethiopie. L'opinion publique en Grande-Bretagne contraint le gouvernement britannique ├á condamner les Italiens, et la confiance qu'ils mettaient dans leurs alli├⌐s britanniques incit├¿rent les Fran├ºais ├á faire autant. L'attention du monde entier ├⌐tait tourn├⌐e vers la Soci├⌐t├⌐ des Nations, dont l'Assembl├⌐e avait sans tarder pass├⌐ une r├⌐solution condamnant l'agression italienne. Le Canada vota en faveur de cette r├⌐solution, mais dans les proc├⌐dures de la S.D.N., l'├⌐tape suivante consistait ├á trouver les mesures que les ├ëtats membres pourraient adopter, ├á l'exclusion de la guerre, pour persuader les Italiens de se retirer d'├ëthiopie.
  60.  
  61.      La position du Canada ├⌐tait confuse par suite du changement de gouvernement ├á Ottawa. Agissant sans instructions de la part de son gouvernement, le d├⌐l├⌐gu├⌐ canadien en fonctions ├á la S.D.N., Walter Riddell, insista aupr├¿s des autres diplomates pour que des sanctions ├⌐conomiques efficaces soient prises et proposa ce qu'il jugeait ├¬tre la sanction la plus efficace de toutes: le p├⌐trole. Les sanctions p├⌐troli├¿res avaient beau donner l'impression de porter un coup fatal ├á l'├⌐conomie et ├á l'effort de guerre de l'Italie, il n'en ├⌐tait rien en r├⌐alit├⌐, du fait que les membres de la S.D.N. ne contr├┤laient pas toutes les ressources mondiales. Et m├¬me alors Mussolini fit allusion de fa├ºon mena├ºante ├á la possibilit├⌐ d'une guerre g├⌐n├⌐rale, et le gouvernement canadien, qui ne voulait pas appara├«tre comme la cause d'un tel conflit, d├⌐savoua la d├⌐claration non autoris├⌐e de Riddell. Ce n'├⌐tait pas l├á un ├⌐pisode tr├¿s glorieux ni pour Riddell, ni pour King, ni pour le Canada, car cela prouvait que le gouvernement n'├⌐tait pas pr├¬t ├á prendre le moindre risque en faveur de la cause de la r├⌐sistance collective ├á l'agression. Les gouvernements britannique et fran├ºais, de toute fa├ºon, ne souhaitaient pas aller trop loin dans leur d├⌐sapprobation de Mussolini, de peur qu'il ne fasse alliance avec Hitler. Mais c'est pr├⌐cis├⌐ment ce que fit Mussolini. Et en 1936, il acheva la conqu├¬te de l'├ëthiopie. Ce fut la fin de la Soci├⌐t├⌐ des Nations.
  62.  
  63.      Une partie importante de l'h├⌐ritage de la paix de 1919 une fois ├⌐limin├⌐e, le reste ne fut pas long ├á suivre. L'Allemagne d'Hitler, contrairement au Trait├⌐ de Versailles, mais avec le consentement, sinon l'approbation, de la Grande-Bretagne et de la France, avait d├⌐j├á entrepris un programme de r├⌐armement. Les Britanniques, eux aussi, poursuivaient leur r├⌐armement et commen├ºaient ├á ├⌐tudier les bases d'un r├¿glement g├⌐n├⌐ral avec l'Allemagne qui comporterait de sages concessions aux griefs r├⌐els des Allemands. Ces griefs, toutefois, naissaient aussi vite qu'Hitler pouvait les inventer, et la Grande-Bretagne et la France c├⌐d├¿rent sur tous les points: non seulement le r├⌐armement, mais aussi la r├⌐occupation de la zone d├⌐militaris├⌐e sur le Rhin, l'annexion de l'Autriche ├á l'Allemagne et enfin la revendication des territoires de langue allemande de la R├⌐publique Ind├⌐pendante de Tch├⌐coslovaquie pour le Reich allemand.
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